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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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prétendait-il — près de Bordeaux et
qui exerçait à présent à Soissons, devait, plus tard, avoir de l'importance.
C'était un tabellion au service de l'abbaye de Saint-Jean-des-Vignes. Il avait
l'œil sec, le crâne décharné, le visage terne parcouru par un tic à la joue
droite, les doigts tachés d'encre et un nez qui coulait toujours. Malgré son
apparence, Jean se montrait expert dans son travail à la chancellerie ; et
pourtant son engagement étonna Isabelle, qui en demanda la raison à son père.
La réponse du roi Philippe fut sèche : Clauvelin était un homme accompli
que la Cour anglaise accepterait sans mal. Isabelle fit une petite grimace en
entendant cette explication, mais n'éleva pas d'objections. Sur un point
cependant elle était bien décidée et elle me rappelait notre serment mutuel. En
public, elle jouerait son rôle, mais jamais, en présence de ses gens, nous ne
devrions, elle et moi, discuter de ce qu'elle appelait res secretae ou
les affaires secrètes * — promesse que nous respectâmes toutes
les deux. Il est vrai, Dieu m'en soit témoin, que notre cercle secret vint à
s'élargir, mais il en fut ainsi, je le jure sur les Évangiles, sur mon âme.
Isabelle fut reine et, par la suite, elle gouverna l'Angleterre pendant plus de
vingt ans, toutefois elle ne trahit jamais ce vœu jusqu'à l'arrivée de
Mortimer. Ah ! oui, Mortimer ! Avec lui c'était un autre monde, un
nouveau départ. Je me frappe la poitrine —  mea culpa, mea culpa  —,
mais je m'égare.
    Les coffres que devait emporter la
princesse étaient pleins à craquer, débordants d'articles précieux. Deux
couronnes serties de gemmes, des hanaps en or et en argent, des cuillères
précieuses, cinq écuelles d'argent, douze grands plats d'argent et douze
petits, des robes tissées de fils d'or et d'argent, en velours, en satin, en
taffetas moiré, des tuniques en drap vert de Douai, six bellement marbrées et
six d'un rose vif. S'y ajoutaient de coûteuses fourrures, des centaines d'aunes
de toile de lin, des vêtements de nuit, des chemises et des chapes ainsi que de
somptueuses tapisseries aux losanges d'or frappés des armes de France, d'Angleterre
et de Navarre. Parmi tous ces préparatifs elle demeurait néanmoins fort
inquiète, davantage pour moi que pour elle. Elle m'interrogeait de temps en
temps sur ce qui s'était passé dans la chambre ardente. Chaque fois que je
répondais, elle hochait la tête et concédait que les hommes de main de son père
n'oseraient rien entreprendre contre moi à cause d'elle, du moins rien de
direct. Je devais cependant rester sur mes gardes. Elle prit l'habitude de
partager en public tout ce que je mangeais et moi je l'accompagnais partout. Le
meurtre, pourtant, s'avance à pas de loup.
    Il arrivait que j'aie des
emplettes à faire en ville pour ma maîtresse. J'appréciais ces sorties, surtout
les expéditions sur la rive gauche de la Seine. Rien n'était plus délassant que
de franchir le pont, passer devant le Petit Châtelet et parcourir les venelles
tortueuses avec leurs hautes maisons à pignons qui dominaient les pavés,
penchées les unes vers les autres, un étage entassé sur l'autre. Les plus bas
étaient ornés de sculptures représentant d'incroyables bêtes et créatures
fantastiques. J'aimais flâner et les contempler comme je le faisais devant la
forêt d'enseignes peintes et enjolivées des boutiques et des étals qui
proposaient une grande variété de produits. C'était agréable de s'arrêter près
des fontaines de pierre ou de faire une pause sous les petits oratoires
encastrés à chaque coin de rue, au pied desquels brûlaient des torches,
symboles d'éternelles prières. La mer changeante des couleurs et des odeurs, le
bavardage banal du quotidien apaisaient l'âme ; le hennissement des
chevaux et des poneys de bât répondait sans cesse au jappement des chiens ou
était parfois noyé par les cris stridents des travailleurs avant que les
cloches sonnent. Malgré les réserves d'Isabelle, j'avais besoin de ces visites
qui me permettaient d'échapper à l'atmosphère étouffante de la Cour.
D'habitude, je traversais le pont escortée par deux archers génois, des
gaillards pleins d'entrain que la princesse avait tout spécialement choisis, les
frères Giacomo et Lorenzo, petits et trapus, aux visages rudes et couturés de
cicatrices. Ces bienveillantes gargouilles étaient jumelles. Je ne pouvais les
distinguer que parce que Giacomo louchait un

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