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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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grand-rue.
    — Comment
s'appelle-t-elle ?
    — Notre-Dame-la-Grande, mais
la cathédrale s'appelle Saint-Pierre, continuai-je. Pourtant, l'endroit où
j'aimais prier, c'était au baptistère Saint-Jean, avec ses fonts baptismaux
très anciens ; c'est un bassin octogonal creusé dans le sol. Le
saviez-vous ?
    Je me penchai en avant, comme
emportée par la conversation.
    — Il y a une fresque
d'autrefois, du temps de l'empereur Constantin. Je...
    — Que se passe-t-il ?
Pourquoi vous taisez-vous ? J'attends, Mathilde !
    J'avais entendu la porte s'ouvrir
et, quand je me retournai, Isabelle, emmitouflée dans sa robe, ses cheveux d'or
épars, se tenait sur le seuil, un miroir poli dans une main, un peigne orné de
pierreries dans l'autre. Tout le monde bondit sur ses pieds, y compris les
trois démons derrière la table.
    — Que se passe-t-il ?
répéta la princesse en s'avançant. Je pensais que vous aviez appelé ma suivante
à cause de mon proche départ, mais qu'en est-il ?
    Le courroux faisait trembler sa
voix.
    — Est-ce un tribunal ?
De quoi l'accuse-t-on ? Qui est le plaignant ? Messire,
déclara-t-elle d'un ton encore plus strident et plus irrité, je suis la
princesse royale, bientôt la reine d'Angleterre. Je dois, dans quelques jours,
quitter la maison de mon père. J'ai besoin de Mathilde, il y a tant à faire et
si peu de temps pour le faire, alors pourquoi est-elle ici ?
    Marigny fit le tour de la table, les bras tendus dans un
geste d'apaisement.
    — Madame, Mathilde peut vous
rejoindre. Nous l'interrogions simplement pour nous assurer qu'elle fera une
compagne convenable pour vous...
    — Ce sera à moi d'en juger,
coupa Isabelle d'un ton sec en fixant la pénombre derrière Marigny. Et veuillez
le faire savoir à mon bien-aimé père !
    Je fixai moi aussi l'ombre
derrière la table. Sans nul doute Philippe s'y tapissait et surveillait de près
la réunion.
    Isabelle claqua des doigts.
    — Venez, Mathilde, nous avons
de la besogne. Messires...
    Elle fit un salut des plus
courtois et, m'appelant d'un geste, elle sortit de la pièce à grands pas.
    Quand nous fûmes dehors, la
princesse, comme une femme possédée, parcourut les galeries en toute hâte,
désireuse de mettre autant de distance que possible entre elle et ceux qu'elle
venait de quitter. La traversée du cloître du palais nous fit frissonner. Le
gel avait blanchi l'herbe de l'enclos. Les volutes d'une épaisse brume
s'élevaient comme à la recherche des gargouilles accroupies en haut des piliers
ou tapies dans les coins. Des démons sculptés dans la pierre nous jetaient des
regards maléfiques. Je levai les yeux vers le ciel et soupirai de
soulagement : il n'y avait qu'un croissant de lune. J'avais toujours été
hantée par un terrifiant conte de nourrice qui affirmait que pendant la pleine
lune les gargouilles et autres inquiétants démons s'animaient et rôdaient dans
les ténèbres, cherchant qui dévorer. Par une nuit semblable, alors que nous
fuyions hors de la Chambre Ardente avec ses propres diables en chair et en os,
je n'étais que trop disposée à prêter foi à cette légende.
    Quand nous eûmes gagné la chambre
de la princesse, elle renvoya servantes et pages somnolents et m'entraîna vers
le coussiège où elle me fit asseoir près d'elle. Puis elle ouvrit le battant de
la croisée et regarda dehors sans se soucier du vent froid qui entrait.
    — C'est étrange,
observa-t-elle à voix basse. Dans mon enfance, j'ai entendu un sermon sur le
Malin que prêchait un franciscain. Il disait que Satan avait le visage noirci
par la suie et des cheveux et une barbe longs jusqu'aux pieds. Ses yeux
brillaient comme du métal en fusion, des étincelles jaillissaient de sa bouche
et une fumée puante sortait à flots de ses lèvres et de ses narines. Les plumes
de ses ailes étaient pointues comme des épines, ses mains liées par des
chaînes.
    Isabelle me prit le bras, m'attira
vers elle et posa sa ravissante tête sur mon épaule.
    — Ensuite ma mère est morte.
Une nuit, je me suis levée, suis venue ici et ai ouvert cette fenêtre. C'était
une belle nuit d'été. Dans le cloître, au-dessous, mon père se promenait avec
ses compagnons. Ils avaient remonté leur capuchon et portaient des robes à
larges manches ; les chauves-souris piaillaient, les corbeaux croassaient.
Cette nuit-là, j'ai changé d'avis sur le diable. Les vrais démons étaient là,
dehors, et chauves-souris, corbeaux, leurs

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