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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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entretenu, et était bien décidé à nous infliger un interminable sermon
sur les différentes Cours qui étaient rassemblées. Sandewic ordonna de mettre
en perce un tonnelet de bordeaux et coupa court à la tirade de Baquelle en
déclarant que nous étions assis comme si les Trois Messagères du
Destin — la Maladie, la Vieillesse et la Mort — nous
rendaient visite. Il remplit nos coupes du vin capiteux, demanda à Rossaleti
d'aller quérir son dulcimer et nous pria de ne pas être faux et semblant *
en cette période de réjouissances, mais de nous ébaudir et de chanter avec les
meilleurs. Rossaleti apporta donc son instrument et Sandewic entonna un chant
égrillard sur un chevalier, sa dame et un frère luxurieux dont les testicules,
en jurait le chevalier, finiraient enchâssés dans une crotte de chien. Sandewic
avait une voix puissante, comme Casales, et tous les deux braillaient la
chanson paillarde, mais très drôle, pendant que Rossaleti tentait de jouer
quelques notes sur son instrument. Sandewic m'enseigna les paroles et m'incita
à me joindre au chœur jusqu'à ce que j'en pleure de rire. Ce fut un après-midi
chaleureux et paisible qui nous permit de défier l'engourdissant rideau de
neige fondue qui tombait dehors, mais n'est-ce pas étrange, en revoyant le
passé, de constater que chaque lumière crée sa propre armée d'ombres ?
    Le 2 février, nous célébrâmes la
Purification de la Vierge. Je me mêlai à la cohue qui pénétrait dans la grande
cathédrale Notre-Dame, et restai debout entre les fonts baptismaux et la porte
du diable par laquelle Satan s'enfuyait à chaque baptême d'enfant. En tendant
le cou, je pouvais apercevoir les puissants seigneurs regroupés dans les
stalles du chœur, mais l'imposant jubé ne me permettait de voir que des éclairs
de couleur. Je me recueillis afin d'observer l'entrée solennelle dans l'église
de la jeune mère et de son enfant montés sur un âne pour commémorer la Vierge
et l'Enfant revenant d'Égypte. Un chœur se mit à chanter l'hymne bien connue Orientis
partibus advenit asinus, pulcher et fortis  : « Des pays d'Orient
arrive l'âne, beau et brave, bien fait pour porter son fardeau. Hez, sire asne,
hez ! » La messe qui suivit, assemblée vibrante et bruyante, marqua
la fin des cérémonies. Pendant l'office, les fidèles, à la place des répons
liturgiques usuels, poussaient des braiements d'âne, comme si la Cour et la
foule étaient avides de sauter sur cette occasion pour compenser les liturgies
solennelles et guindées des jours précédents. Puis les seigneurs soupèrent dans
la grand-salle de la maison du roi.
    Le soir, à la tombée de la nuit,
Isabelle retourna dans notre logement, escortée par un groupe d'écuyers et de
pages munis de torches embrasées et entourée de nobles dames. Ils se
rassemblèrent dans la cour comme la princesse descendait de son palefroi. Ils
lui firent gracieux accueil et la conduisirent à l'intérieur. La princesse,
pâle de fatigue, arborait un sourire feint. Quand tout le monde fut sorti, elle
me prit la main et m'autorisa à la mener dans sa chambre. Elle fit fermer et
verrouiller la porte, ôta d'un coup de pied ses lourdes heusses en brocart,
desserra les cordons et les nœuds de ses robes et les laissa choir sur le sol.
Puis elle s'empara d'une des couvertures du lit, l'enroula autour d'elle et
s'accroupit comme une souillon de cuisine devant le brasero pour se réchauffer
les doigts. Je lui apportai de la bière chaude pour la calmer. Elle saisit le
gobelet, but avec avidité puis me fit face.
    — Vous voulez savoir ?
    — Vous n'êtes pas obligée.
    — Édouard d'Angleterre est aimable et gentil ;
il est courtois et chevaleresque.
    Isabelle se mit à rire.
    — Il dit m'aimer et a voulu
me voir nue. Il m'a montré ce qu'il appelle « joute de chambre » et
ce que les trouvères enjolivent sous l'expression de « faire la
cour ». Ensuite il m'a pénétrée et m'a fait mal ; il lui plaît
parfois de me monter comme un étalon monte une jument. Puis il m'a prise dans
ses bras et m'a embrassée.
    Elle parlait d'un ton sec et
atone, sans montrer nulle blessure ni offense ; elle en finit avec les
tourments physiques des premiers jours de ses noces par un simple haussement
d'épaules.
    — Édouard a des sautes
d'humeur, Mathilde. Il n'oublie jamais une offense. Il peut se montrer prévenant
comme un chevalier qui se languit d'amour, puis il s'assied en regardant dans
le vide

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