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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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cité, les pennons de guerre
flottaient et scintillaient quand un pâle soleil déchirait les nuages. Les
puissants d'Occident, revêtus des armures exécutées à Liège, Limoges, Damas,
Milan, Londres et Tolède, étaient venus se livrer dans les lices à de feintes
batailles, grandes joutes et tournois préparés en l'honneur d'Isabelle. Les
prés gelés hors les murs de la ville s'étaient transformés grâce à une armée
d'étendards qui déployaient leurs meubles [12] exotiques — loups, vouivres, léopards, dragons, salamandres soufflant
le feu, soleils et lunes, gerbes de blé, oiseaux fabuleux, sangliers furieux,
lions rampants, chiens couchés — tous divisés par pal ou par fasce [13] , par croix ou barre de bâtardise.
Tous ces emblèmes étaient peints aux couleurs de l'héraldique, azur, gueules,
sable, sinople, pourpre et argent. Au milieu de cette ville de pavillons de
soie s'étendait la lice où les chevaliers en armures de plates, coiffés de
casques à la forme terrifiante surmontés de panaches multicolores, chargeaient,
dans un fracas de lances qui se brisaient et d'écus qui se bosselaient. Quand
une joute prenait fin, une autre commençait au son éclatant des trompettes et
des cornes. L'air résonnait du heurt de l'acier, du martèlement des sabots et
des annonces des hérauts : Lessez-les aler, lessez-les aler, les bons
chevaliers * ! Pages et écuyers s'empressaient autour des preux qui
avaient survécu aux combats des jours précédents, tous bien décidés à remporter
la couronne d'or.
    Je récitai les vers d'un
poète :
    La parole ne me console pas,
    Je
suis en harmonie avec la guerre,
    Je ne
suis fidèle ni ne crois à nulle autre religion.
    Casales, qui nous accompagnait, Sandewic
et moi, se morfondait, humilié de ne pouvoir participer. Il railla sans malice
ma critique, mais Sandewic passa son bras sous le mien et fit un signe de tête.
    — J'en ai assez des
batailles ! remarqua-t-il alors que nous nous éloignions. Cela ne ressemble
en rien à ça, ajouta-t-il avec un mouvement du menton vers la lice. Nous étions
alors à la fin de janvier : les réjouissances commençaient à perdre de
leur attrait et les tournois avaient déjà causé la mort de quatre jeunes
chevaliers tués dans une furieuse mêlée, une prétendue joute amicale entre les
Cours d'Angleterre et de France.
    — Il serait grand temps de
partir, grommela Sandewic alors que nous ôtions nos chapes dans l'office et
nous réchauffions les mains devant le feu après notre glacial trajet de retour.
La marmite ne va pas tarder à bouillir et l'écume va tout recouvrir. Nous
devrions nous en aller avant qu'un vrai malheur arrive.
    — Absurde ! objecta
Casales en montrant Rossaleti occupé à dresser des listes domestiques. Nous
avons assez de provisions et les Cours d'Angleterre et de France n'auront plus
jamais l'occasion de se rencontrer.
    — Je n'aime ni les mariages
ni les noces : ça me rappelle d'amers souvenirs, commenta Rossaleti d'un
ton morne.
    Sans attendre qu'on l'y invite, le
clerc posa sa plume d'oie et se mit à narrer sa propre jeunesse quand, novice
chez les bénédictins, il avait compris qu'il n'était pas prêt à prononcer ses
vœux solennels. Il raconta avec tant de nostalgie son mariage et la malemort de
sa femme bien-aimée qu'il réveilla la mémoire de ses compagnons. Casales
décrivit le jour de ses épousailles, la mort de sa femme en couches et les
longues années pénibles qui s'en étaient ensuivies. Sandewic hocha la tête avec
bienveillance et allégea l'atmosphère en parlant de son propre mariage qui
avait duré des années, de sa gaieté et de sa cordialité. Mais il se rembrunit
en évoquant le trépas de sa femme et ses fréquentes querelles avec ses enfants.
La profonde affliction de ces hommes qui, selon les mots de Sandewic, étaient devenus
des « prêtres des affaires de l'État » et avaient sacrifié leur vie
personnelle à leur roi me frappa.
    L'arrivée de Baquelle détendit les
esprits. Sandewic m'adressa un clin d'œil et mit un doigt sur ses lèvres, car
il n'était pas nécessaire d'insister beaucoup pour que Sir John se lance dans
un long discours sur la très importante alliance qu'il s'apprêtait à contracter
avec la sœur, comme il le rabâchait volontiers, du plus influent négociant en
laine d'Angleterre. Le petit chevalier, le visage rougi par le froid, était
intarissable sur ce qu'il avait vu, sur les personnes avec lesquelles il
s'était

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