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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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matinée était froide et les nappes de brume qui montaient du fleuve
envahissaient la Tour, enveloppant murailles et tourelles, pendant sur les
lieux comme un rideau, étouffant tous les bruits sauf le croassement rauque des
corbeaux. La brume s'insinuait même sous la porte dans la nef de la chapelle.
Je me demandais si ces minces volutes n'étaient pas les fantômes de ceux qui
erraient en quête d'absolution.
    Sandewic allait et venait en
décrivant le travail qu'il avait accompli dans la chapelle. Il s'arrêta et d'un
geste large désigna les lieux.
    — Voici, Mathilde, mon Calice
des Esprits !
    Je l'interrogeai : que
voulait-il dire ?
    — Si au moins le roi venait
céans ! reprit-il sans me répondre. Si au moins il réfléchissait et
priait.
    Il baissa la tête et me jeta un
regard de sous ses sourcils broussailleux.
    — Cet endroit renferme le
Calice des Esprits, comme dans le roman d'Arthur le Château aventureux renferme
le Saint-Graal.
    Puis il s'empressa d'aborder
d'autres sujets et je n'insistai pas.
    — L'âme parle à l'âme, cor
ad cor loquitur  — le cœur parle au cœur.
    Peut-être Sandewic, dès ce moment,
cherchait-il à me mettre en garde. Soldat de la vieille école, il lui
déplaisait de s'exprimer sans détour, mais il essayait pourtant d'être franc et
carré. Une fois hors de la chapelle, il me prit la main et m'emmena dans une
petite dépendance adossée aux cuisines, un de ces appentis employés pour la
garnison. Nous déjeunâmes devant le feu. Sandewic aurait pu se confier, mais
des valets vaquaient autour de nous. Il finit par m'attraper par le poignet
comme s'il avait pris une décision et m'entraîna vers la grande grille ouvrant
sur le fleuve. La herse était levée, des points lumineux perçaient la brume et
le fracas que faisaient les hommes en déchargeant les barges résonnait sourdement.
Sandewic me poussa dans un coin. Il m'enveloppa de ma mante et me glissa un
pomandre dans la main pour lutter contre la puanteur des chenaux. Puis il
désigna la lueur des torches.
    — Que se passe-t-il, à votre
avis, Mathilde ?
    — On débarque des marchandises.
    — Des armes, précisa-t-il.
Des arcs, des flèches, des hallebardes et des boucliers. Je suis allé à la Tour
Bowyer, hier. Lord Gaveston s'y trouvait aussi, pour surveiller le travail. Nos
armureries et nos forges sont fort affairées.
    —  Mon seigneur * le roi
se prépare-t-il à guerroyer contre ses barons ?
    — Oui, admit Sandewic. Mon
seigneur * s'y prépare sans nul doute.
    Il se retourna. Nous étions
proches comme des amants. Je pouvais sentir son haleine imprégnée de bière et
voir ses yeux bleus limpides briller de courroux.
    — Avez-vous remarqué,
Mathilde, que lors de notre trajet depuis Douvres, nous n'avons point fait
étape dans des châteaux, mais avons logé dans des monastères et des
prieurés ?
    J'acquiesçai.
    — Édouard a beaucoup insisté
sur ce point, expliqua Sandewic. Il ne voulait pas qu'on s'aperçoive que ces
endroits s'apprêtaient à se battre, se garnissaient de troupes, rassemblaient
provende et armes. Et en France, quand je chevauchais à l'écart ? Le roi
Philippe agissait de même ; il s'organisait.
    — La guerre contre la
France ? questionnai-je.
    — Peut-être, répondit
Sandewic.
    — Est-ce pour cela qu'on a
prié les Français de venir céans par leurs propres moyens et de rester à
distance de la Tour ?
    Nous sortîmes du recoin et retournâmes
vers la sinistre poterne.
    — J'ai vu des combats,
Mathilde, ici, en Angleterre, déclara Sandewic. Le frère contre le frère, le
père contre le fils. J'étais sous les ordres du comte Simon à Lewes et Evesham.
J'ai vu les morts entassés comme des sacs ensanglantés, des arbres pleins de
cadavres, des villages incendiés, le puits débordant de corps. Je me suis battu
en Écosse et au pays de Galles et j'ai été témoin d'atrocités que même Sa
Majesté Satan n'aurait pu imaginer : des hommes écorchés vifs, mutilés,
torturés, puis suspendus dans des cages aux murailles des châteaux, jusqu'à ce
que mort s'ensuive. Il tapa les pavés du pied.
    — Je ne veux pas que cela
recommence. Dites-le à votre maîtresse.
    Les jours suivants, je pensai
souvent aux avertissements du gardien et en discutai avec Isabelle. Elle n'en
pouvait mais, absorbée qu'elle était par le couronnement et Baquelle, comme
elle me le signala avec ironie, lui rendant visite presque à tout instant. Le
marchand entrait

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