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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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plaît-il de m’ennuyer plus longtemps avec mes tristes désillusions ?
    —  Signore, dit Longfellow, nous devons savoir ce que vous enseigniez à M. Galvin. Il parle et lit l’italien ? »
    Bachi éclata de rire, la tête rejetée en arrière.
    « Aussi peu qu’il vous plaira de l’imaginer ! Ce monsieur serait incapable de lire de l’anglais, même si Noah Webster {41} en personne se tenait à ses côtés. C’est un homme qui passe son temps à parader dans ces frusques bleues à boutons dorés de vos soldats de l’Union. Mais ça ne fait rien, il veut Dante, Dante et Dante ! Il ne lui traverse pas l’esprit que, pour cela, il lui faudrait commencer par apprendre la langue. Che stranezza {42}  !
    — Vous lui avez prêté votre traduction ? » demanda Longfellow.
    Bachi secoua la tête.
    « J’espérais garder le secret le plus total sur cette entreprise. Vous n’ignorez pas, j’en suis persuadé, le sort que votre M. Fields réserve aux gens qui tenteraient de rivaliser avec ses auteurs. Quoi qu’il en soit, je me suis efforcé de satisfaire au mieux les souhaits étranges du signore Galvin. Je lui ai proposé de commencer les leçons en déchiffrant ensemble la Commedia, un vers après l’autre. Mais autant lire un livre à un âne. Il voulait que je lui fasse un prêche sur L’Enfer. J’ai refusé. Par principe. S’il m’engageait comme précepteur, il devait apprendre l’italien.
    — Et vous lui avez signifié que vous ne continueriez pas les leçons ? demanda Lowell.
    — Je l’aurais fait avec le plus grand plaisir, professore, s’il n’avait cessé de venir du jour au lendemain. Depuis, impossible de remettre la main sur lui et je n’ai toujours pas été dédommagé pour mes services.
    —  Signore, dit Longfellow, ceci est très important. M. Galvin a-t-il jamais fait allusion à des personnages de notre époque et de notre ville qu’il aurait reconnus chez Dante, d’après ce qu’il comprenait de l’œuvre ? Pensez à n’importe qui. Peut-être à des gens plus ou moins liés à l’université et désireux de jeter le discrédit sur Dante. »
    Bachi secoua la tête.
    « Il ne me disait pas trois mots, signore Longfellow. Mais vous évoquez, n’est-ce pas, la campagne de dénigrement que mène actuellement l’université à l’encontre de votre travail ? »
    L’attention de Lowell se raviva.
    « Que savez-vous de cette campagne ?
    — Rappelez-vous, signore, je vous ai mis en garde quand vous êtes venu chez moi. Ne vous ai-je pas engagé à surveiller votre cours ? Vous m’aviez vu dans le Yard quelque temps auparavant, vous souvenez-vous ? Un message m’avait été adressé me priant d’y rencontrer un monsieur pour un entretien confidentiel. Et moi qui croyais que les fellows souhaitaient me réintégrer dans mes fonctions ! Quel âne j’étais ! En vérité, cette fripouille avait pour tâche de démontrer les effets pernicieux de Dante sur les élèves. Et je devais lui prêter la main !
    — Simon Camp, siffla Lowell entre ses dents.
    — J’ai bien failli lui poinçonner le visage, je peux vous le dire, déclara Bachi.
    — Dommage que vous ne l’ayez pas fait, signore Bachi, dit Lowell en souriant. Cet individu peut causer la ruine de Dante. Que lui avez-vous répondu ?
    — D’aller au diable, je n’ai pas trouvé mieux. Quand je pense que j’en suis presque à mourir de faim après des années de travail à l’université, et qu’il se trouve des gens dans l’administration pour embaucher des crétins pareils !
    — Qui donc, sinon Manning… ! » ricana Lowell.
    D’un vif mouvement de tout le corps, il se tourna vers Longfellow et répéta « Manning… » avec un regard lourd de sous-entendus.
     
    Caroline Manning ramassa le verre brisé dans la bibliothèque et désigna d’un air pincé la tache de xérès à moitié séchée sur le tapis.
    « Jane, nettoyez ça ! » ordonna-t-elle à la bonne pour la seconde fois.
    Elle s’apprêtait à quitter la pièce quand la clochette de l’entrée retentit. Elle entrebâilla le rideau et passa un œil. Henry Wadsworth Longfellow ! Mais d’où venait-il à une heure aussi tardive ? Ces dernières années, c’est à peine si elle avait osé lever les yeux sur lui, les rares fois où elle l’avait croisé en ville. Comment pouvait-on survivre à un drame pareil ? Elle-même n’en eût pas eu la force. Mais le poète semblait invincible malgré son

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