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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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n’eussent jamais pu livrer. Bref, leur folie, c’étaient ces choses qui font la poésie.
    Ses lèvres s’entrouvrirent. Aucun son n’en sortit, comme lorsqu’on veut crier dans un mauvais rêve mais qu’on ne le peut pas. Il eut soudain le mal de mer. Holmes laissa échapper un soupir de compassion, lui télégraphiant par là qu’il approuvait sa retenue. Mais Fields, le sourcil froncé, regarda Longfellow puis Lowell. Bondissant sur ses pieds, il reprit la récitation d’une voix théâtrale. Acceptant d’ores et déjà toutes les conséquences.
     
    … et quoique
    Nous ne soyons plus cette force qui jadis
    Remuait la terre et les cieux, nous sommes ce que nous sommes…
     
    Assez forts pour élucider un meurtre ? s’interrogea le Dr Holmes. L’effet du clair de lune, voilà ce que c’était ! Deux meurtres avaient été commis, des actes horribles certes, mais qui ne prouvaient pas que d’autres s’ensuivraient ! Il appela à la rescousse toute sa rigueur de scientifique : leur volonté de découvrir l’auteur de ces crimes pourrait être considérée comme malvenue ou pis : dangereuse. Et il en venait à regretter d’avoir prévenu ses amis mais, en même temps, il ne cessait de se demander ce que ferait le capitaine Holmes dans les mêmes circonstances. Son fils aîné possédait le don et le talent d’une détermination étroite, alors que lui-même appréhendait la vie à partir d’un si grand nombre de points de vue qu’il pouvait à la fois pénétrer au cœur d’une situation, se glisser en dessous ou bien tourner autour.
    Seuls les gens étroits d’esprit étaient capables de vrai courage, se dit-il. Il ferma les yeux et verrouilla solidement ses paupières.
    Que ferait son fils ? Holmes se revit au moment où il lui avait fait ses adieux, quand sa compagnie avait quitté le camp d’entraînement dans ses bleus et ses ors étincelants. Bonne chance … Dommage que je sois trop vieux pour combattre… et autres phrases du même registre. Mais ce n’était pas vrai. En fait, il avait béni le ciel de ne plus avoir l’âge de partir à la guerre.
    Lowell se pencha vers Holmes et répéta les derniers mots dits par Fields avec une douceur patiente et une indulgence rares et poignantes chez lui.
    … nous sommes ce que nous sommes …
    Autrement dit : devenus ce que nous avons choisi d’être. Cette pensée apaisa quelque peu le docteur. Ses trois amis avaient accepté et attendaient qu’il poursuivît la déclamation. Cependant, il était libre de partir, les mains dans les poches, si tel était son souhait. Il prit une profonde inspiration d’asthmatique et la fit suivre d’une expiration soulagée tout aussi bruyante. Mais au lieu d’expulser entièrement l’air de ses poumons, il fit son choix. Quand il parla, il ne reconnut pas sa voix. C’était une voix suffisamment posée pour appartenir à la noble flamme qui s’adressait à Dante. Il identifia à peine la raison qui le poussait à donner vie à son tour aux paroles de Tennyson.
     
    « Des cœurs héroïques et d’une même trempe
    Affaiblis par le temps et le sort, mais forts par la volonté
    De lutter, de chercher, de trouver… »
     
    Il marqua une pause : « … et de ne pas plier {20}   ».
    « De lutter », répéta tout bas Longfellow d’un air pensif, méthodique, en étudiant ses compagnons à tour de rôle. Son regard s’arrêta sur Holmes : « de chercher, de trouver… »
    La pendule sonna l’heure. Greene remua dans son fauteuil. Il était inutile de prolonger le débat : le cercle des Amis de Dante venait d’accomplir sa renaissance.
    « Oh, mille excuses, mon cher Longfellow, marmonna l’historien en s’ébrouant au son du carillon nonchalant. Ai-je raté beaucoup de choses ? »

 
    Chant II
    8
    La semaine où le corps du révérend Talbot fut découvert, bien des choses allèrent comme à l’accoutumée dans les bas-fonds de Boston. Dans le triangle de rues où s’entassaient les taudis, ceux qui le pouvaient fuyaient les bordels et pensions bon marché pour emménager ailleurs, les tuyaux des fabriques déversaient toujours leurs volutes de vapeur blanchâtre et les trottoirs étaient jonchés des peaux d’orange habituelles. Le quartier retentissait de chansons gaies et de danses jusqu’à des heures indues. Les omnibus municipaux trimbalaient de-ci, de-là des hordes de Noirs – le plus souvent des lavandières et des servantes en fichus colorés aux bras

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