Le Cercle du Phénix

remous du brouillard, Cassandra s’orienta sans hésiter vers
la partie orientale du cimetière et s’arrêta devant la tombe de Charlotte
Ferguson, l’épouse de Thomas décédée vingt ans plus tôt. Là, Cassandra
sursauta. La stèle de marbre qui portait l’épitaphe, but de son expédition,
gisait à terre, brisée en morceaux. Elle arrivait trop tard :
« on » l’avait devancée.
    Dépitée, Cassandra était
sur le point de quitter les lieux lorsqu’elle perçut du coin de l’œil un mouvement
fugace. Une silhouette s’était subrepticement glissée derrière elle.
    Tous
les sens aux aguets, Cassandra sortit son arme et se dirigea d’un pas furtif
vers l’endroit où l’ombre avait disparu. Soudain, une forme jaillit de
l’obscurité. En un éclair, un pistolet étincela sur la tempe de
Cassandra ; de l’autre bras, son agresseur l’enserrait avec vigueur. De
surprise, elle lâcha la lampe qui roula sur l’herbe humide.
    — Jetez aussi votre
arme, souffla une voix masculine pétrie d’hostilité.
    Cassandra obtempéra. Son
adversaire n’avait pas l’air de plaisanter.
    — Qui
êtes-vous ? interrogea sèchement l’inconnu.
    Au vu de la situation,
elle jugea inutile de mentir.
    —  Je
m’appelle Cassandra Jamiston.
    La
réaction fut immédiate.
    —  Vraiment ?
Vous êtes la fameuse Miss Jamiston ? s’étonna l’homme d’un ton nettement
plus chaleureux.
    Il relâcha son étreinte
et cessa de menacer Cassandra de son arme. Libérée, celle-ci se retourna
vivement vers son agresseur. L’inconnu la fixait, solidement campé sur ses
jambes, les bras croisés.
    —  Je
suis Nicholas Ferguson. Mon père m’a parlé de vous.

Chapitre IV
    La
nuit étant glaciale et donc peu propice au bavardage en plein air, Cassandra et
Nicholas Ferguson rentrèrent dans la maison et s’installèrent dans les vestiges
du salon. Nicholas épousseta du revers de la main les coussins d’un sofa,
créant de la sorte un impressionnant nuage de poussière, et alluma quelques
lampes épargnées par les malfaiteurs, de sorte que Cassandra put enfin
distinguer son visage, plongé jusque-là dans la pénombre.
    En
dépit de ses vêtements sales et froissés, le fils de Thomas Ferguson était pour
le moins un homme séduisant. Une charpente souple et musclée, un visage
énergique mangé par une barbe de deux jours, une peau dorée, de profonds yeux
bruns, des cheveux bruns également. Nicholas était sans l’ombre d’un doute un
individu porté à l’action. Il dégageait une assurance indiscutable, ce qui
n’était pas pour déplaire à Cassandra.
    Pour
l’heure, il l’examinait avec un mélange de curiosité et d’irritation.
    —  Navré
pour l’accueil un peu brutal, Miss Jamiston, s’excusa-t-il, mais j’ai de
sérieuses raisons de penser que l’on en veut à ma vie. Vous remarquerez que je
n’ai pas ouvert les volets : nous constituerions une cible facile si un
assassin était embusqué dehors. Je vous signale par ailleurs que vous n’avez
absolument pas le droit d’être ici. La prochaine fois, vous me ferez le plaisir
de vous annoncer au lieu d’entrer chez moi par effraction. J’aurais pu vous
tuer.
    Ignorant le reproche,
Cassandra demanda :
    — Pourquoi
pensez-vous que l’on en veut à votre vie ?
    Le visage de Nicholas
s’assombrit. Ses traits se durcirent sous le coup de la colère.
    — Bien sûr, vous
n’êtes pas encore au courant. Mon père a été assassiné à Paris il y a trois jours…
J’ai assisté à son agonie.
    Cassandra tressaillit.
    — Je suis désolée,
murmura-t-elle, ne sachant que dire d’autre face à la brutalité avec laquelle
Ferguson annonçait la mort de son père.
    Tous les deux se turent
un long moment. Nicholas était assailli par le doute : pouvait-il prendre
cette femme à l’aspect fragile au sérieux ? Il n’aurait jamais pensé
qu’elle était aussi ravissante… même si ses goûts vestimentaires insolites laissaient
quelque peu à désirer. Mais sa beauté la décrédibilisait. Aux yeux de Nicholas,
Cassandra Jamiston ne semblait pas être l’alliée idéale pour se lancer dans une
aventure périlleuse.
    L’intéressée rompit la
première le silence :
    — Qui est à
l’origine de ce crime ?
    — Je l’ignore pour
l’instant, mais je ne tarderai pas à le découvrir, déclara Nicholas d’un ton
menaçant. Je connais néanmoins la raison du meurtre de mon père, même si je
préfère ne pas en parler ici. Les