Le Cercle du Phénix
ici ?
— Je
vous ai suivis, évidemment, rétorqua-t-il d’un ton sec.
— Vous
m’espionnez donc ? se révolta Cassandra.
Nicholas fit avancer davantage son cheval dont
l’encolure toucha celle de la monture de la jeune femme.
— Ne
jouez pas les offensées ! gronda-t-il. Ce serait plutôt à moi de l’être.
Je n’apprécie guère d’être pris pour un imbécile, Cassandra. En vous voyant
hier, j’ai compris immédiatement que vous maniganciez quelque chose et j’ai
décidé de vous suivre ce soir pour découvrir ce que vous me cachiez.
— Et
votre curiosité a-t-elle été satisfaite ? interrogea Cassandra avec
acrimonie.
— Je
dois dire que votre conversation avec le Commandeur était très instructive…
— Vous
nous avez entendus ? s’exclama-t-elle, de nouveau sidérée, en jetant un
regard de reproche à Gabriel. Peine perdue, celui-ci regardait ailleurs, se
désintéressant de la conversation.
Nicholas haussa les épaules.
— Si
les nouvelles ne viennent pas à moi, je vais aux nouvelles. Si je devais
compter sur votre aide…
— Je
n’ai pas à me justifier de mes actes devant vous, riposta Cassandra, mais
sachez que Werner m’avait demandé de garder le secret sur cette rencontre.
Nicholas se pencha vers elle, la mine sévère.
— Je
ne tolère pas qu’on me dissimule des informations, surtout concernant une
affaire qui me touche de si près. Souvenez-vous-en à l’avenir !
Cassandra, qui n’aimait pas le ton employé par l’avocat,
le foudroya d’un œil noir.
— J’agis
comme bon me semble. Si cela ne vous plaît pas, libre à vous de vous en
aller !
Ils s’affrontèrent un moment du regard, aussi furieux
l’un que l’autre, puis Nicholas secoua la tête, et, à la surprise de Cassandra,
se mit à rire.
— Il
est difficile d’avoir le dernier mot avec vous, ma chère. Qu’importe, vous
auriez dû me mettre au courant de ce rendez-vous. En revanche, il serait plus
sage de ne pas mettre nos compagnons dans la confidence. Moins ils en sauront
sur les dirigeants du Cercle du Phénix, mieux leur sécurité sera assurée.
Sans attendre de réponse, il fit faire volte-face à son
cheval et s’éloigna dans le brouillard. Déroutée par son brusque changement
d’humeur, Cassandra l’observa quelques secondes avant de se décider à le suivre
avec Gabriel.
Ce Ferguson était décidément une énigme.
Chapitre XVII
Lady Angelia Killinton donnait sans conteste les fêtes
les plus courues de la capitale. Toute la bonne société londonienne se pressait
à ses soirées. La séduisante Angelia était d’ailleurs un sujet de fascination
pour elle : ses allées et venues, ses aventures amoureuses, suscitaient un
intérêt passionné. Son existence même s’y prêtait. Douze années plus tôt, âgée
de seize ans à peine, elle avait épousé un vieillard, Lord Robert Killinton,
lequel était mort quelques mois plus tard en lui laissant une fortune colossale
qu’elle gérait avec une grande habileté.
Malgré une foule de prétendants avides, Angelia ne
s’était pas encore remariée, l’explication communément admise étant que son
union avait été un épisode si pénible qu’elle n’avait nulle envie de renouveler
l’expérience.
La réalité était bien différente.
Pour l’heure, Angelia s’apprêtait pour le bal fastueux
qu’elle donnait le soir même. Dans la vaste rotonde éclairée par une verrière,
le soleil d’automne coulait à flots, nappant d’une auréole dorée sa silhouette
irréprochable. Elle avait longuement hésité sur la couleur de la robe qu’elle
allait porter. Elle avait tout d’abord jeté son dévolu sur un joli mauve qui
lui allait particulièrement bien. Cette couleur flattait son teint de lis et s’accordait
avec ses yeux aux reflets améthyste. Mais après réflexion, elle avait choisi
une robe à la dernière mode parisienne d’un bordeaux profond et lumineux qui
rehaussait l’éclat de sa peau d’albâtre et mettait merveilleusement en valeur
ses cheveux d’un noir de jais presque bleuté, qui, relevés, retombaient en une
cascade de boucles soyeuses. Ce rouge lie-de-vin, agrémenté d’ornements
argentés, la rendait éblouissante, et soulignait la finesse de sa taille (que
d’efforts pour atteindre les vingt et un pouces fatidiques !). Un collier
constitué de rubis enchâssés dans des marguerites de perles et des bracelets
émaillés d’or et de turquoises complétaient
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