Le Cercle du Phénix
déçu, mais il se reprit très vite.
— Sommes-nous
dans un des repaires du Cercle du Phénix ? s’enquit Cassandra avec
curiosité.
— Bien
sûr que non ! siffla Werner, furieux. Je ne suis pas si stupide !
Cette maison m’appartient, et le Cercle, Dieu merci, ignore son existence.
Étonnée, Cassandra se demanda quelle utilité il pouvait
trouver à cette demeure, certes charmante, mais très éloignée de la Cité et de
sa résidence familiale. Avec autorité, Werner l’invita à prendre place dans un
profond canapé de velours, tandis que lui-même s’asseyait dans un fauteuil face
à elle.
— J’ai
besoin de votre aide, déclara-t-il d’un ton abrupt.
Les sourcils de la jeune femme s’arquèrent légèrement.
— De
mon aide ? Soyez plus explicite.
— Pour
détruire définitivement le Cercle du Phénix et son chef, précisa Werner en
pesant chacun de ses mots.
Les yeux fixés sur elle, il semblait jauger sa réaction.
Et de fait, Cassandra, interloquée, se demanda si elle avait bien compris.
— Comment ?
Ce n’est donc pas vous…
— Non,
l’interrompit-il d’un ton sec. Je ne suis qu’un simple exécutant, tout comme
l’assassin. C’est quelqu’un d’autre qui tire les ficelles.
Un frisson parcourut l’échiné de Cassandra, envahie par
un mauvais pressentiment. Sa bouche devint sèche, et sa voix tremblait
lorsqu’elle reprit la parole.
— Qui…
— Plus
tard. Vous devez d’abord accepter de me rendre un service.
— Un
service ?
Cassandra allait de surprise en surprise.
Werner inspira profondément. Pour la première fois, il
eut l’air mal à l’aise. Il hésita quelques secondes, puis se décida à parler.
— Depuis
cinq ans, le chef du Cercle du Phénix m’oblige à travailler pour l’organisation
en me faisant chanter. Il détient un objet qui peut causer beaucoup de tort, à
moi mais surtout à ma famille. Un carnet plus exactement.
— Un
carnet ? répéta Cassandra qui comprenait de moins en moins.
— Un
livre relié en cuir brun et doté d’une serrure, expliqua Werner avec
impatience.
— Et
que renferme donc ce carnet de si terrible ?
— Cela
ne vous regarde en rien ! grinça-t-il d’un ton qui n’admettait pas de
réplique. Sachez seulement que le contenu de ce carnet, s’il était rendu
public, briserait ma réputation à jamais. Si j’étais seul concerné, cela
n’aurait pas d’importance. Mais mon discrédit entraînerait
dans le même temps la chute de ma famille. Elle serait déshonorée, ruinée,
marginalisée. Mes filles n’auraient plus la moindre chance de trouver un parti
convenable. Cette idée m’est insupportable. Je suis prêt à assumer les
conséquences de mes actes, mais je refuse que ma famille paie le prix de mes
erreurs. Mes péchés ne sont en aucun cas leurs péchés !
Werner avait parlé d’une traite. Il se tut, essoufflé.
Son inquiétude, qui semblait sincère, avait balayé l’arrogance de ses traits.
Cassandra, confondue, ne le quittait pas des yeux. Cette entrevue ne se
déroulait décidément pas comme elle l’avait prévu.
— Si
je comprends bien, dit-elle lentement, vous voulez que je récupère ce carnet
pour vous. Mais pourquoi moi ?
Werner lui jeta un regard chargé de reproche.
— Ne
faites pas l’innocente, Miss Jamiston, je n’ai pas de temps à perdre en
bavardages stériles. Votre réputation de voleuse est parvenue jusqu’à moi.
Pendant des années, votre audace et votre intelligence ont tenu la police
métropolitaine en échec. Vous êtes donc parfaitement qualifiée pour ce travail.
Comparé à vos anciens méfaits, le vol de ce carnet devrait être un jeu
d’enfants.
— Je
vois, murmura Cassandra, pensive. Où se trouve-t-il actuellement ?
— Dans
la résidence londonienne du chef du Cercle du Phénix.
— Et
ce chef est… ?
Werner, saisi d’une appréhension subite, hésita de
nouveau, et ses mains se crispèrent sur sa redingote noire. Il était maintenant
au pied du mur. En répondant, il scellait son destin. Mais il avait longuement
réfléchi. et il savait qu’il n’existait pas d’autre alternative. Les
dés étaient jetés.
— Vous
le rencontrerez bien assez tôt, dit-il enfin. Je vais vous indiquer où le
trouver, mais il faudra agir très vite. Je crains que ma trahison ne passe pas
longtemps inaperçue.
— Si
c’est le cas, vous êtes en danger de mort !
Werner parut soudain très fatigué.
Weitere Kostenlose Bücher