Le Cercle du Phénix
brûlant.
— Rien.
Nous allons nous en tenir au plan prévu, à savoir attendre que Werner nous
contacte et lui rendre son carnet.
— Non,
je voulais dire : que faisons-nous de lui ? grogna
le journaliste en tendant un doigt accusateur vers Gabriel.
Cassandra jeta un coup d’œil à Julian et résolut après
une brève réflexion d’exaucer la prière muette que lui adressait son ami.
— Il
va simplement reprendre ses activités habituelles.
Jeremy contempla Cassandra comme si elle était une folle
dangereuse.
— C’est
tout ? grinça-t-il d’un air excédé. Nous l’avons surpris en flagrant délit
de vol, et vous voulez que nous agissions comme si de rien n’était ? Vous
plaisantez ? Nous ne pouvons pas laisser passer ça !
— C’est
pourtant exactement ce que nous allons faire, M. Shaw.
— Et
pourquoi cela, je vous prie ?
— Parce
que je l’ai décidé, trancha Cassandra dont la voix avait pris une intonation
métallique.
— Oh,
vraiment ? Et qui a décrété que vous étiez au commandement de toute cette
affaire ? lança Jeremy d’un ton rageur.
— Mais
vous-même, voyons. Le jour où vous avez accepté de vous joindre à notre groupe,
vous m’avez implicitement reconnue comme votre chef.
Sans répondre, les poings serrés, Jeremy leur tourna
brusquement le dos et alla se poster près de la porte-fenêtre, le regard tourné
vers le parc. De sa place, Cassandra aperçut cependant le reflet de son visage
dans le miroir de sa coiffeuse, et son sang se glaça à cette vision. Une haine
farouche brûlait dans les yeux du jeune homme, une dureté impitoyable déformait
ses traits si mobiles en un masque grimaçant qui le rendait méconnaissable.
Cela ne dura qu’une seconde. Jeremy fit volte-face
presque immédiatement, et Cassandra put constater que son visage avait repris
son aspect habituel. Il paraissait toujours furieux, mais la violence qui le
consumait à l’instant s’était évanouie. La jeune femme aurait même pu se croire
victime d’une illusion si un profond malaise ne s’était insinué en elle.
Le journaliste se dirigea vers la porte sans un mot et
sortit. Ses pas résonnèrent dans le couloir avant de s’estomper, étouffés par
le tapis de la cage d’escalier. Un silence confus s’abattit alors sur la
chambre.
— Je
suis navré, Cassandra, dit enfin Julian en lui rendant le carnet de Werner. Je
vous remercie d’avoir laissé une chance à Gabriel.
— Vous
devriez éviter ce genre de sottises à l’avenir, jeta sèchement la jeune femme à
l’intéressé. Votre situation ici est précaire, ne l’oubliez pas. Vous m’avez
mise dans une position délicate vis-à-vis de Jeremy. Il était fou de rage, et
je ne peux lui donner tort.
Julian hocha la tête :
— Son
point de vue est tout à fait légitime.
Gabriel pour sa part ne se sentait pas coupable le moins du monde. Sa
physionomie n’exprimait que la frayeur tandis qu’il continuait à fixer
obstinément le cuir sombre du carnet de Charles Werner.
Cassandra remit le livre dans sa table de chevet et
ferma le tiroir à clé.
— Gabriel
devra m’accompagner lors de ma prochaine entrevue avec Werner, annonça-t-elle
en revenant vers les deux hommes. Il a expressément requis sa présence.
Julian haussa des sourcils réprobateurs.
— Pourquoi
cela ?
— Je
l’ignore, mais mieux vaut ne pas le contrarier. Il peut encore nous être utile.
De nouveau très pâle, Gabriel se raidit. Julian perçut
son angoisse bien qu’il n’en comprît pas la raison. Dans un geste qui se
voulait rassurant, il posa sa main sur le bras du jeune homme.
— Je
viendrai avec vous, annonça-t-il.
Gabriel vacilla, atterré, mais Julian n’y prit pas
garde.
— Je
ne veux pas laisser Gabriel y aller seul. Je viendrai, répéta-t-il d’un ton qui
ne souffrait pas de contestation.
Cassandra hésita. L’idée ne l’enchantait guère, sans
même parler de Gabriel qui semblait catastrophé. Mais d’un autre côté, Julian
pouvait se montrer terriblement obstiné, et elle ne voyait aucune raison
valable à lui opposer pour motiver un refus : après tout, Werner n’avait
pas exigé qu’elle et Gabriel se rendissent seuls au prochain rendez-vous.
Résignée, elle haussa légèrement les épaules.
— Agissez
à votre guise, soupira-t-elle.
— Parfait.
Merci encore, Cassandra.
Julian lui sourit et quitta la pièce, imité par un Gabriel
consterné.
Une fois
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