Le Cercle du Phénix
Ne
proférez pas de telles horreurs avec autant de calme ! fulmina-t-il.
Comment faites-vous pour rester aussi serein dans un moment pareil ?
Julian garda le silence, mais son
visage s’obscurcit. Jeremy se laissa de nouveau aller contre le mur et poussa
un soupir déchirant.
— Je
commence à regretter d’être venu en Bohême.
— Vous
n’êtes pas le seul ! rétorqua Julian, pince-sans-rire.
Il maudissait le jour où il avait
résolu de poursuivre l’aventure jusqu’à son terme. Cette décision lui
paraissait suicidaire à présent. L’image de Laura ne quittait pas son esprit,
et une terrible culpabilité le rongeait depuis qu’il avait compris que sa vie
était menacée. Quel piètre père il faisait… À cause de sa folie et de son
égoïsme, sa fille chérie risquait de grandir sans ses parents. À cette pensée,
il ressentit une douloureuse contraction dans la région du cœur, et pendant un
instant, il eut du mal à respirer.
Et Gabriel… Non, il refusait de penser à Gabriel, sous
peine de s’effondrer complètement.
— J’espère
que Megan va bien, soupira Jeremy, le ramenant à la réalité. Elle…
Un hurlement de rage l’interrompit, et
un grand tumulte éclata à l’extérieur. Des cris, des vociférations, des coups de
feu volaient de toutes parts, et le camp entier paraissait saisi d’une
indescriptible panique. Jeremy sauta sur ses pieds et se plaça près de la
porte, l’oreille tendue. Des bruits de course résonnèrent devant la cabane, des
jurons s’élevèrent, suivis de coups sourds, puis le silence retomba.
— Que
diable…, commença Jeremy.
Il n’acheva pas sa phrase. Une clé
tournait dans la serrure, et les deux prisonniers retinrent leur souffle. La
porte s’ouvrit en grinçant, et une silhouette familière s’encadra dans l’embrasure,
que Julian reconnut immédiatement.
— Gabriel…,
balbutia-t-il, au comble de la stupéfaction.
Jeremy pour sa part semblait avoir été
frappé par la foudre.
— Bonté
céleste, articula-t-il d’une voix atone. Vous…
Durant quelques secondes, le temps parut
suspendu, jusqu’à ce que Megan débouche en courant dans la pièce, les
joues rouges d’excitation.
— Vous
allez bien ? cria-t-elle en apercevant Julian et Jeremy.
Les deux hommes émergèrent aussitôt de
leur hébétude.
— Oui,
répondit le journaliste. Et visiblement, vous aussi !
— Heureusement
que Gabriel était là pour nous libérer ! dit-elle en couvant le jeune
homme d’un regard admiratif. Il s’est débarrassé à lui seul de tous les hommes
de cette sorcière de Lady Killinton !
Sur le pas de la porte, Julian et
Jeremy clignèrent des yeux, éblouis par la lumière de l’après-midi après leur
station dans la pénombre, puis ils distinguèrent avec effroi des dizaines de
formes humaines étendues sans mouvement sur le sol caillouteux.
— Vous…
vous les avez tous tués ? balbutia Jeremy en observant Gabriel d’un air
effaré.
— Non.
Juste assommés. Aucun ne va mourir.
— Ah…
Jeremy contempla les alentours
escarpés d’un œil aigu.
— Par
quel miracle nous avez-vous trouvés dans cet endroit désert ?
— Je
vous ai suivis depuis Londres.
— Étonnant,
vu votre sens de l’orientation, que vous ne vous soyez pas retrouvé en
Chine !
— Il
est plus facile de demander son chemin quand on parle, repartit sobrement
Gabriel. Et puis…
— Et
puis ?
— Une femme du nom de Dolem m’a guidé, expliqua Gabriel
avec hésitation. Une fois que j’ai eu quitté Londres, elle…
elle s’est mise à me parler en pensée et à m’indiquer la route à suivre pour
vous retrouver.
Megan et Jeremy échangèrent un regard hautement
dubitatif.
— Dolem ?
Dolem vous parlait en pensée ? Vous voulez dire
que vous entendiez sa voix dans votre tête ? Vous ne seriez pas devenu fou
par hasard ?
— Certainement
pas ! protesta Gabriel.
— En
admettant que ce soit vrai, intervint Megan d’un ton conciliant, pourquoi vous
aurait-elle demandé de venir jusqu’ici ?
Le jeune homme haussa les épaules en
signe d’ignorance.
Sous le choc, Julian n’avait pas prononcé un mot depuis
sa sortie de la cellule. Très pâle, il contemplait Gabriel comme si celui-ci
revenait de l’au-delà, tandis que le jeune homme évitait soigneusement de
croiser son regard. Reprenant soudain pied dans la réalité, il saisit
brutalement le bras de Gabriel, l’entraîna dans la
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