Le Cercle du Phénix
cabane, à l’abri des
oreilles indiscrètes du journaliste et de Megan, et referma la porte derrière
eux dans un claquement sec.
— Pourquoi
es-tu venu ? interrogea-t-il sans préambule d’une voix où la colère le
disputait à l’émotion.
Gabriel parut décontenancé :
faisant montre d’une naïveté qui touchait au sublime, il avait escompté un
accueil chaleureux et se voyait cruellement détrompé. Il comprit que les
retrouvailles tant attendues n’allaient pas se dérouler comme il l’avait
imaginé.
— Pourquoi
es-tu venu ? répéta Julian avec plus de dureté encore.
— Mais…
pour toi, bien sûr…, balbutia-t-il, chaque trait de son beau visage exprimant
une mortelle inquiétude. Pour te revoir… (Il se retint d’ajouter « une
dernière fois ».)
Julian le lâcha et recula d’un pas.
— Tu
ne peux pas faire une chose pareille, Gabriel. Le jeune homme le regarda avec
incompréhension.
— Que
croyais-tu ? poursuivit Julian avec impatience. Que tu pouvais sortir
brusquement de ma vie comme tu l’as fait, ne donner aucune nouvelle pendant des
jours et revenir ensuite comme si de rien n’était ? Pensais-tu sincèrement
que j’allais t’accueillir à bras ouverts ?
Livide, Gabriel baissa les yeux.
— Je
suis désolé…, souffla-t-il. J’ai été stupide… Mais Julian ne semblait pas
ouvert aux tentatives de réconciliation.
— Je
suis heureux que tu l’admettes ! Par malheur, il est trop tard.
Gabriel releva la tête et scruta
Julian avec angoisse. Le visage fermé du lord ne laissait guère de place à
l’espoir.
— Tu
disais que tu m’aimais…, fit Gabriel tout bas. N’étaient-ce donc que des
mots ?
— La
question n’est pas de savoir si je t’aime ou pas… J’ai beaucoup réfléchi en ton
absence, vois-tu.
Julian s’exprimait maintenant avec
douceur.
— Je
refuse de vivre dans la crainte et l’incertitude. Je ne supporterai pas que tu
disparaisses de nouveau au moindre problème, c’est trop douloureux. J’aimerais
pouvoir croire en toi, te faire confiance, mais…
La voix de Julian s’était mise à
trembler. Il s’interrompit, et étendit la main pour saisir celle de Gabriel.
— Je souffre d’avoir à te dire cela, conclut-il avec
tristesse, mais je crois que je souffrirais encore davantage si je donnais
libre cours à mon amour pour toi. Pardonne-moi.
Gabriel serra ses doigts entre les siens. Peut-être
était-ce mieux ainsi après tout. Lorsque les conséquences de la décision qu’il
avait prise à Londres atteindraient Julian, la peine de celui-ci en serait
allégée. Cette idée le consola.
— Je
comprends, chuchota-t-il, ne t’inquiète pas.
Il s’avança vers Julian et le serra
contre lui.
— Merci
pour tout, souffla-t-il à son oreille.
Il relâcha son étreinte et Julian le
fixa d’un air incrédule, stupéfait et déçu de sa facile résignation. Il aurait
aimé qu’il se batte un peu plus pour sauver leur amour. Le lord demeura
longtemps immobile, écartelé par des sentiments contradictoires, puis il parut
sur le point d’enlacer à son tour Gabriel. Il se ravisa toutefois et se dirigea
résolument vers la porte.
— Nous
n’avons pas de temps à perdre, lança-t-il à Megan et Jeremy qui attendaient
dehors, dévorés de curiosité. Il faut retrouver Cassandra et les autres. Par où
sont-ils partis, Gabriel ?
— Par
ici, répondit le jeune homme en esquissant un geste vague qui englobait la
moitié du paysage.
Jeremy leva les yeux au ciel et poussa
un soupir consterné.
— Nous
voilà bien avancés ! Comment allons-nous les rejoindre à présent ?
— Il
me semble les avoir entendus partir dans cette direction, déclara Julian en
s’avançant vers le versant de la montagne qui s’élevait à l’ouest de la mine
désaffectée.
Il commençait à gravir la pente,
cherchant des traces de passage qui confirmeraient son hypothèse, quand son
regard fut attiré par un vif éclat ; quelque chose brillait dans l’herbe
rare constellée de neige. Il s’agenouilla et ramassa une minuscule pierre
verte.
— Qu’est-ce
que c’est ? demanda Megan qui l’avait rattrapé.
— Une
émeraude, répondit Julian d’un ton pensif.
Il se releva et examina les alentours.
À une quinzaine de mètres de là, en amont, il repéra une autre pierre qui
accrochait la lumière.
— On
dirait que quelqu’un sème des émeraudes pour nous indiquer le chemin à
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