Le Cercle du Phénix
bord du tombeau qui s’ouvrait béant à ses pieds. Impuissant,
Andrew assistait à cette lente agonie. Le médecin avait fait tout son possible
pour arracher l’enfant aux griffes de la mort, mais ses efforts n’avaient pas
suffi. Seul un miracle pouvait désormais sauver le petit Dick, et Andrew savait
par expérience qu’il ne fallait pas trop espérer de ce côté-là. Après avoir
ausculté une nouvelle fois le garçonnet, il se releva, triste et pensif, donna
des instructions à l’infirmière quant aux soins à apporter à l’enfant, et
quitta l’asile de Marylebone à pas lents, soulagé de se retrouver à l’air
libre, et en même temps empli d’une vague et obsédante culpabilité.
À sa grande surprise, Nicholas Ferguson l’attendait sous
un porche, en face de l’institution, enveloppé dans une longue redingote gris
fer pourvue d’un collet en fourrure.
— Megan
m’a dit où je pouvais vous trouver, expliqua-t-il en traversant la rue pour
venir le rejoindre.
Andrew en fut contrarié. Il ne se sentait pas d’humeur à
discuter, et surtout pas avec Ferguson.
— Ce
genre d’activité ne doit guère être payante, reprit Nicholas en désignant du
menton l’hospice pour nécessiteux.
— Non,
mais je ne le fais pas pour l’argent, rétorqua sèchement le médecin en
commençant à remonter la rue d’un pas vif. Nicholas régla son pas sur le sien
afin de rester à sa hauteur.
— C’est
d’autant plus méritoire de votre part, commenta-t-il du ton d’imperceptible
ironie qui lui était familier. Très « honorable ».
Andrew lui jeta un regard aigu, essayant de deviner ce
qu’il sous-entendait. Conscient de l’examen qu’il lui faisait subir, Nicholas
changea brusquement de sujet.
— Je
m’inquiète à propos de Cassandra. Où peut-elle être ? Elle n’a pas donné
signe de vie depuis trois jours.
La mine soucieuse, Andrew hocha la tête tandis qu’ils
bifurquaient dans Baker Street.
— Son
silence me préoccupe également. Mais d’un autre côté, elle est peut-être sur
une piste intéressante, et préfère ne pas nous tenir informés de ses faits et
gestes au cas où le Cercle nous surveillerait, chuchota-t-il en jetant un coup
d’œil autour de lui.
— Ce
n’est pas impossible, en effet. Cassandra est une femme pleine de ressources.
Guère chaleureuse, ajouta Nicholas avec un sourire, mais pleine de ressources.
Andrew haussa les épaules.
— C’est
son caractère. Il faut la prendre telle qu’elle est.
— Oh,
mais je l’entends bien ainsi. J’espère que vous ne craignez pas la rivalité,
car je compte bien tenter ma chance auprès d’elle. Des femmes de sa trempe sont
trop rares pour les laisser échapper sans réagir.
Andrew s’arrêta net, horrifié par l’impudence de
Ferguson qui guettait sa réaction avec gourmandise.
— Vos
sentiments à l’égard de Cassandra ne sont pas uniquement d’ordre amical,
n’est-ce pas ?
Andrew demeura silencieux un instant, les yeux baissés
vers la chaussée. Lorsqu’il releva la tête, Nicholas fut surpris par la dureté
de son regard.
— Je
n’ai pas l’intention de vous affronter sur ce terrain, dit-il d’une voix
glaciale. Tentez votre chance avec Cassandra, cela ne me gêne pas le moins du
monde. Au risque de vous surprendre, elle et moi sommes simplement amis, et je
n’espère rien de plus de sa part.
Il poursuivit son chemin sans attendre la réponse de
Nicholas, que sa réaction avait stupéfié. Celui-ci s’était attendu à de
l’agacement, voire à de la colère, mais pas à cette froide indifférence. Andrew
paraissait sincère lorsqu’il avait prétendu ne pas avoir de vues sur Cassandra,
et pourtant Nicholas était persuadé qu’il était bel et bien amoureux de son
amie. La passion qu’il lui vouait crevait les yeux.
— Voilà
un mystère aussi opaque que celui des Triangles de Cylenius, marmonna-t-il
avant de se précipiter pour rattraper Andrew.
— Pardonnez-moi,
lança-t-il quand il fut revenu à sa hauteur, je ne voulais pas vous froisser.
Andrew en doutait fort, mais il accepta les excuses du
bout des lèvres.
Les deux hommes laissèrent passer un équipage et
esquivèrent un cab de justesse. Ils se trouvaient alors en face du célèbre
musée de cire Madame Tussaud’s. Devant ses guichets se pressait une foule
impatiente d’admirer les illustres personnalités qui peuplaient ses murs, tels
Marie Stuart ou Napoléon, et de frémir dans
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