Le Cercle du Phénix
lampe
bouillotte étaient disposés en arc de cercle.
Blottie dans un de ces fauteuils en cuir, Megan se
délectait de la lecture d ’Ivanhoé, ouvrage qu’Andrew lui avait offert à l’occasion de son
dernier anniversaire en juillet. Megan, qui était abonnée à toutes les
bibliothèques et clubs de lecture de Londres, adorait les romans car ils
nourrissaient son imagination enflammée. Par malheur, son frère avait eu la
déplorable idée de lui faire également présent de plusieurs manuels de savoir-vivre
et d’économie domestique ( Traité
sur la conduite du ménage, Manuel de l’épouse anglaise et autres fadaises de la même eau) qui auraient
probablement fait mourir Megan d’ennui si elle ne s’était empressée de les
enfouir dans les profondeurs inexplorées de sa commode (à moins qu’elle ne les
eût directement jetés au feu ? elle ne se rappelait plus très bien).
Alors qu’elle était plongée dans un passage palpitant du
récit, un gémissement parvint aux oreilles de la jeune fille. Excédée, Megan
leva les yeux de son ouvrage et jeta un regard noir à Jeremy. Le journaliste,
assis à une longue table tendue de cuir fauve et couverte de plusieurs livres
ouverts, tentait à nouveau de déchiffrer le message codé de Cylenius,
initiative qui n’aurait nullement gêné Megan s’il n’avait ponctué ses efforts
de bruyants soupirs particulièrement crispants qui l’empêchaient de se
concentrer sur sa lecture.
— J’ai
la tête en feu ! lança Jeremy d’un ton plaintif. Réfléchir me donne la
migraine !
— C’est
que vous manquez d’habitude, rétorqua perfidement la jeune fille, bien décidée
à se débarrasser de l’importun.
— Pimbêche !
siffla Jeremy entre ses dents.
— Qu’avez-vous
dit ? cingla Megan.
— Rien,
répondit Jeremy en lui adressant un sourire désarmant.
Megan nota en son for intérieur que Jeremy avait un très
beau sourire (pas aussi beau que celui de Nicholas, bien sûr, mais presque) et
se radoucit.
— Ne
devriez-vous pas être en ce moment à votre journal ? s’enquit-elle plus
aimablement.
Jeremy haussa les épaules avec insouciance.
— Ce
serait en effet le cas en temps ordinaire, Miss Ward, mais j’ai demandé
quelques jours de congé et le rédacteur en chef du London City News a bien voulu me les accorder.
Megan se redressa dans son fauteuil, les yeux pétillants
d’intérêt.
— Travailler
au sein d’un journal doit être passionnant. Vous avez beaucoup de chance. Si
j’avais été un homme, je crois que c’est le métier que j’aurais choisi,
ajouta-t-elle d’un air de regret.
Jeremy la dévisagea avec curiosité. Il s’apprêtait à lui
répondre lorsque la voix grave de Julian leur parvint du hall. Les deux jeunes
gens échangèrent un coup d’œil ravi.
— Lord
Ashcroft est enfin sorti de sa chambre ! s’écria le journaliste avec
excitation. Peut-être est-il parvenu à décrypter le document ?
Sans attendre de réponse, il se précipita hors de la
bibliothèque, suivi par Megan, et fonça vers le salon où un Julian épuisé avait
rejoint Nicholas, Andrew et Cassandra qui dégustaient un brandy.
Depuis le dîner de la veille, Lord Ashcroft n’avait pas
quitté ses appartements, s’y faisant même servir ses repas. La pâleur de ses
traits et les larges cernes bordant ses yeux témoignaient de la nuit de labeur
passée sur le message codé. Néanmoins, un sourire triomphant éclairait son
visage.
— J’ai
enfin réussi à déchiffrer le parchemin ! lança-t-il d’un ton réjoui en
agitant les feuillets qu’il tenait à la main. J’ai d’abord utilisé des systèmes
par substitution mono-alphabétique pour décrypter le code, mais je faisais
fausse route. En réalité, Cylenius a utilisé une méthode beaucoup plus complexe,
un système par substitution poly-alphabétique qui est censé n’avoir été initié
qu’à la fin du XVI e siècle par un Français nommé Biaise de Vigenère.
Cylenius était donc un précurseur, c’est extraordinaire !
Le petit groupe, complètement perdu, écoutait Julian
avec une politesse feinte, dévoré qu’il était par l’envie de connaître le
contenu du parchemin. Mais Julian ne semblait pas pressé d’arriver au
dénouement.
— Ce
système est très simple, poursuivit-il sur sa lancée. L’idée de Vigenère est
d’utiliser un chiffre de César, mais où le décalage utilisé change de lettres
en lettres. Pour cela, on
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