Le Cercle du Phénix
main se posa sur la joue du
garçon.
— Gabriel,
tu dois me faire une promesse, dit-il gravement en plongeant ses yeux dans les
siens. Jure-moi de ne plus tuer. J’accepte ton passé, mais je ne pourrais pas
supporter que tu recommences. Promets-le-moi, s’il te plaît.
Docile, Gabriel hocha la tête, mais une furtive lueur
d’inquiétude traversa son regard. Délivré d’un grand poids, Julian n’y prit pas
garde.
— Merci,
dit-il simplement en lui adressant un sourire radieux.
Chapitre XVI
L’écriture sèche et pointue n’évoquait aucun souvenir à
Cassandra. Intriguée, elle tournait entre ses doigts une carte blanche sur
laquelle étaient griffonnées quelques phrases énigmatiques. L’enveloppe qui la
contenait était apparue comme par magie au milieu du courrier du matin, même si
elle n’avait manifestement pas suivi le circuit postal habituel.
Cassandra relut une fois de plus le message :
Venez seule au cottage de Richmond
demain soir à onze heures. Je peux vous aider à obtenir ce que vous souhaitez.
L’assassin vous guidera.
Brûlez ce message après l’avoir lu, et
n’en parlez à personne.
Voilà qui était concis. Et imprévu. Cassandra hésitait
sur la conduite à tenir. Cette invitation sentait le piège à plusieurs miles à
la ronde. Et pourtant, il était difficile d’imaginer le Cercle du Phénix
recourir à une ruse aussi grossière. Le stratagème manquait pour le moins de
subtilité.
Dans le doute, elle résolut de consulter Gabriel,
d’autant que la mention du jeune homme dans le message la préoccupait.
Cassandra espérait de tout cœur qu’il jouait franc-jeu avec Julian. Elle
n’avait aucune envie d’assister de nouveau au triste spectacle de la souffrance
de son ami.
À sa grande satisfaction, le domestique qui montait la
garde au bas de la tour lui apprit que le garçon se trouvait seul ; la
présence de Julian aurait compliqué les choses. Cassandra gravit les marches
d’un pas leste mais marqua un temps d’arrêt devant la porte. Et dire qu’elle
avait cru bien connaître Julian ! Quelle erreur… La nouvelle de sa liaison
avec Gabriel l’avait littéralement assommée pendant quelques jours. Aerith
l’avait-elle donc dégoûté à ce point des femmes ? Cassandra devait
toutefois admettre que son ami avait bon goût. Avec ses traits délicats et son
élégance innée, Gabriel était réellement un jeune homme superbe, quoique d’une
gravité extrême pour son âge.
Cassandra entra dans la pièce et découvrit l’intéressé
plongé dans un roman de Jane Austen, Orgueil et préjugés , que Julian avait dû lui apporter. Il releva vivement
la tête en entendant la porte s’ouvrir, mais la déception se peignit aussitôt
sur son visage. Évidemment, il espérait la visite de Julian.
Avec un soupir, Cassandra tendit la mystérieuse carte à
Gabriel, qui pâlit à la vue de l’écriture.
— Savez-vous
qui est l’auteur de ce message ?
Il hocha la tête d’un air troublé.
— Charles
Werner ? questionna-t-elle, se fiant à son intuition.
Il hésita quelques secondes, puis opina de nouveau.
— Pensez-vous
que ce soit un piège ?
Gabriel haussa les épaules en signe d’incertitude.
Faisant montre d’un désintérêt flagrant pour les interrogations de sa
visiteuse, il se replongea dans sa lecture.
Cassandra se tut, pensive. Le jeune homme ne l’aidait
pas beaucoup. Ce rendez-vous faisait-il partie d’un plan préétabli dans lequel
il devait jouer un rôle actif ? Tant pis, elle devait courir le risque.
C’était une chance unique d’en savoir plus sur le Cercle et le Commandeur.
— Je
vais me rendre à cette entrevue, annonça-t-elle d’un ton ferme, et vous allez
m’y accompagner.
De surprise, Gabriel lâcha son livre qui tomba sur le
sol. Son expression impénétrable disparut instantanément, et la contrariété
durcit ses traits fins.
— Je
crains que vous n’ayez pas le choix, ajouta Cassandra. Vous seul connaissez
l’endroit indiqué dans le message.
Était-ce un effet de son imagination ? Il lui
sembla que les yeux gris-bleu du garçon reflétaient une profonde angoisse. Une
inexplicable bouffée de compassion la submergea soudain, et elle faillit
renoncer à son projet. Mais cet instant de faiblesse fut de courte durée.
— Je
viendrai vous chercher demain soir, lança-t-elle à Gabriel en
tournant les talons. Soyez prêt.
*
Le claquement des sabots sur les pavés
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