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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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moment du repas, il avait partagé l'ordinaire des marins, biscuits, poisson salé et légumes, le tout arrosé de vin, sans se plaindre. Il eût pu sans peine étaler sa bourse et sa condition pour obtenir meilleur traitement, mais il n'en avait éprouvé ni le besoin ni l'envie, jugeant qu'on voulait sans doute le mettre à l'épreuve. N'était-ce pas de toute manière ce qu'il était venu chercher ?
    Luirieux se présenta à lui à la nuit tombée.
    — Venez, lui dit-il.
    Enguerrand ne posa pas de questions. Il se leva de sa couche dans l'indifférence générale et le suivit jusqu'à la cabine du capitaine. Celui-ci les y attendait, de même qu'une femme d'une grande beauté, assise sur le cuir usé d'une banquette. Elle le salua d'un regard pénétrant. Il y répondit par un léger signe de tête.
    — Puisque votre intention est de rallier l'Ordre, j'ai une mission à vous confier, annonça sans préambule Luirieux, lorsque la porte refermée les eut isolés tous trois.
    — Je vous écoute, accepta aussitôt Enguerrand.
    Luirieux se tourna vers la jeune femme.
    — Voici Mounia. Elle est la fille d'un important dignitaire mamelouk en Égypte, proche du sultan Keït bey, et l'épouse d'un prince ottoman que l'Ordre est chargé de protéger. Pour des raisons politiques qu'il serait trop long de vous expliquer, elle a été répudiée et condamnée par son époux à une mort certaine. Un des janissaires du prince a reçu l'ordre de l'assassiner au cours de la traversée. Si l'un de nous essaie de l'en empêcher, cela créera un incident diplomatique. Si, au contraire, quelqu'un d'innocent à l'affaire se dressait entre elle et cet homme au moment où il frappera, nous n'aurions rien à nous reprocher et pourrions arguer d'un malencontreux hasard.
    — Je vous en serai infiniment reconnaissante, chevalier, susurra l'Égyptienne en langue franque.
    — Je suppose que l'homme devra disparaître.
    — Ce serait préférable, en effet.
    — Soit. Considérez dès à présent que je suis votre obligé, assura Enguerrand.
    Il reçut en retour un regard de velours qui le troubla plus qu'il ne l'aurait imaginé.
    Lorsqu'il ressortit de là une bonne heure plus tard après une solide collation et l'assurance d'une couche plus digne de son rang près des Hospitaliers, ce fut le cœur plus léger.
    De toute évidence, il avait fait le bon choix et ne doutait plus qu'un grand et noble destin l'attendait.
     

36
    La première chose que vit Algonde en écartant les volets intérieurs de sa chambre fut, au loin, le champ clos des lices. La seconde, la silhouette de Mathieu qui tournait l'angle d'un ballot en décomposition pour y pénétrer. Un braquemart sur l'épaule gauche, il marcha d'un pas décidé vers le centre, se campa sur ses jambes écartées et balaya le levant d'un mouvement incertain. Elle resta un moment à le regarder sabrer ainsi l'air, le visage contracté par l'effort que lui imposait la maladresse de ses gestes. Il ne lui offrait que son profil intact et fier. Pourtant, lorsqu'il tourna la tête dans sa direction, elle se rejeta de côté, le cœur battant, comme une enfant prise en faute. S'il était venu là, à cette heure où le castel s'éveillait à peine, c'était de toute évidence pour prendre la véritable mesure de son handicap, sans témoins. Mathieu face à lui-même. Le cœur serré, elle refusa de regarder encore. Derrière la courtine, le pas de sa mère martela le plancher puis s'immobilisa. Un glissement d'étoffe. Gersende s'habillait. Algonde attendit quelques minutes, puis s'avança pour la rejoindre.
    — Comment te sens-tu ? demanda Gersende en la voyant paraître, moins marquée par la fatigue que la veille, mais blême encore.
    — Il est dehors…
    Gersende hocha la tête. Cela suffisait pour qu'elle comprenne son tourment. Elles n'avaient pas eu l'occasion de se retrouver seules depuis le jour de l'agression. Elles n'avaient échangé qu'un regard lorsque le baron avait rapporté l'épervier. Une interrogation dans celui de Gersende, surprise, une affirmation dans celui d'Algonde. Pas d'explication. Juste un constat. Gersende avait semblé soulagée.
    — Il ne partira pas avec toi. Jean s'y oppose. Philippine aussi.
    Algonde ne s'en étonna pas.
    — Le sait-il ?
    — Pas encore. Je crois que le baron t'apprécie assez pour réserver sa décision quelques jours de plus, le temps de voir l'évolution de ses blessures. L'œil ne pose pas de problème en soi. La

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