Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
Tout, y compris la cheminée à ciel ouvert au-dessus de laquelle glougloutait du liquide dans un chaudron noirâtre, oui, tout était conforme à ce que leur imagination avait pu concevoir. Tout. Sauf ce somptueux lit dont le ciel était orné de rideaux de velours prune et recouvert d'une courtepointe joliment ouvragée de damiers. Cela et une surprenante propreté.
    — Mon intérieur te plaît ? se moqua la vieille femme.
    Algonde rougit aussitôt de son indiscrétion.
    — Pardonnez-moi.
    — D'être curieuse ? Tu l'as toujours été. Allons, viens t'asseoir. Ici, nous pourrons parler sans être inquiétées.
    Algonde s'installa sur le banc que la sorcière venait de tirer tout en lorgnant suspicieusement vers les ingrédients qui se trouvaient sur la table.
    — Ce n'est qu'une bonne soupe pour ma semaine à venir, la taquina-t-elle encore en faisant glisser les végétaux dans son tablier qu'elle venait de relever par les pointes.
    De son pas traînant, elle s'en fut les jeter dans le bouillon frémissant d'épices. Elle ramena le couvercle sur le pot, puis, sur une étagère, récupéra un gobelet et un flacon bleu octogonal serti d'une dentelle de fils d'argent. Elle déboucha ce dernier et versa un peu du liquide translucide qu'il contenait dans le hanap.
    — Avale, cela te remettra. Tu es cadavérique.
    Forte de ce que lui avait dit Gersende, Algonde obtempéra sans discuter. À peine l'élixir coula-t-il dans sa gorge qu'elle s'en trouva revigorée.
    — Vous aviez raison pour l'épervier. Il est mort.
    — Je sais. C'était une sage décision, Algonde.
    — C'était la vôtre. Pourquoi ? Parce qu'il a blessé Mathieu ou parce qu'il a tué mon père ? Il était votre fils, n'est-ce pas ?
    La vieille femme hocha la tête.
    Algonde scruta son visage parcheminé. Avalé par les rides épaisses qui alourdissaient ses paupières, le regard de la vieille femme était d'un bleu pur. D'une douceur sans âge. Sans malice. Bien qu'elle se sentît en sécurité dans cet endroit étrange, Algonde refusa de s'y laisser prendre. Leur parentèle n'y changeait rien. Tout au contraire. Le mystère que la sorcière en avait fait était lui-même suspect.
    — Qui me prouve que vous n'avez pas seulement voulu vous venger ?
    — Je ne suis pas ton ennemie, mais celle de la Harpie. Cela te suffit-il pour me faire confiance ?
    — Pas tant que je ne saurai pas qui vous êtes en réalité.
    — La seule qui sache la vérité. Toute la vérité. Mais puisqu'il faut t'en convaincre…
    Elle écarta les bras, paumes ouvertes vers le ciel. Il lui suffit d'une incantation pour que la pièce tout entière se perde dans un halo bleuté sous les yeux émerveillés d'Algonde.
     
    Mathieu s'était battu de la main gauche contre la quintaine jusqu'à la limite de ses forces avant de se laisser choir, haletant, derrière un ballot, à l'abri des regards. Il avait craint ceux des soldats, mais seuls quelques garnements étaient venus l'encourager avant de se lasser de ses efforts désespérés et de retourner à d'autres jeux. Il abaissa son œil ouvert sur sa main droite et tordit la bouche en la découvrant gonflée et suintante à l'endroit où le fil pénétrait les chairs. De toute évidence, sa sueur avait envenimé la plaie. La douleur lui remontait jusque sous l'aisselle. Il tenta une nouvelle fois d'ouvrir les doigts, mais n'y parvint pas.
    Avec du temps peut-être, essaya-t-il de se convaincre malgré ce que son père lui avait annoncé ce matin du diagnostic de la sorcière.
    — Il te reste le fournil, avait voulu le consoler le panetier.
    Mathieu avait bien compris ce que cela sous-entendait. La colère était montée de ses pieds à ses doigts, mais n'avait pas passé sa gorge. Son père n'était pas responsable. Il n'avait pas à lui faire payer ce qui était arrivé. Mathieu s'était contenté d'aller récupérer un braquemart à l'armoirie et de se mesurer à lui-même.
    Il baissa la tête et ferma les yeux. La migraine était presque aussi intense que les élancements dans son bras. Il avait réagi de façon stupide. La pitié qu'il avait lue dans le regard d'Algonde lorsqu'elle lui avait ôté son bandage l'avait poignardé. Ses gémissements surfaits contre son oreille tout autant. Il aimait trop son plaisir pour ne pas avoir compris qu'elle le simulait. Rien ne serait plus comme avant. Quand bien même il récupérerait l'usage de ses doigts, de son œil. Quand bien même Philippine accepterait

Weitere Kostenlose Bücher