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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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écartelée refusait de lui obéir. Elle l'immolait soudain. Torture. Du corps. De l'esprit. L'un fustigeant l'autre. Elle se cabra à l'unisson avec Jacques dans un râle de mourant, des larmes plein les yeux.
    Vivante, certes.
    Mais pourrait-elle se le pardonner ?
    Le baron se laissa retomber à côté d'elle, un sourire satisfait sur ses lèvres minces. Elle ne bougea pas. Une onde de bien-être parcourait son corps que niait son âme, vaincue par traîtrise.
    — Tu es libre, murmura le baron, lourd de sommeil.
    Lorsqu'il sombrerait comme chaque fois, elle se retirerait sans bruit. Elle ne répondit pas. Attendit.
    — Je ne veux pas que l'amour te soit une corvée, jolie Algonde. Tu y viendras donc de ton plein gré ou pas du tout. Le choix t'appartient désormais.
    — Je ne pourrai plus, avoua-t-elle.
    Il tourna la tête vers son profil. Elle avait refermé les yeux sur sa détermination, dans l'attente peut-être de son courroux. Il aurait certes préféré une autre réponse, mais, étrangement, ce qu'elle venait de lui offrir lui suffisait.
    — J'aime ta franchise. Elle est rare. En récompense, je te dispense de ton service pour ce jour. Cours le rejoindre. Je serai heureux de bénir vos fiançailles le jour de mon hyménée.
    Une bouffée de soulagement gagna le cœur d'Algonde. Immobile à ses côtés, elle chercha longuement les mots pour le remercier. Un ronflement les faucha. Le baron avait sombré.
     

18
    Gersende était assise à son pupitre, occupée à vérifier les comptes prévisionnels des festivités, lorsque sa fille franchit le seuil de leur appartement.
    — Le baron m'a donné congé, annonça Algonde sans préambule.
    — Lui aurais-tu déplu ?
    Un sourire léger vint éclairer les traits de la jouvencelle.
    — Au contraire, dit-elle. Nous avons parlé de Mathieu et il m'a accordé sa bénédiction.
    Gersende fronça les sourcils, sceptique.
    — Prends garde à toi. Ces gens ont l'art de changer d'avis selon leur humeur.
    Algonde hocha la tête et se glissa derrière la courtine pour s'activer à sa toilette, pressée de chasser de sa peau l'odeur mâle du baron. Certes, elle se sentait toujours coupable du plaisir qu'elle avait éprouvé, mais était disposée à se convaincre que ce n'était, en somme, qu'un secret de plus à garder.
    Quelques minutes plus tard, après avoir embrassé sa mère sur la joue et accroché du baume à son tourment, elle dévalait l'escalier. À peine le donjon contourné, elle reconnut les épaules de Mathieu qui, en nage, se courbait pour enfourner son pain. Elle s'approcha sans bruit, rattrapée par un sursaut d'espièglerie, et son cœur qui bondissait dans sa poitrine.
    Un soleil rouge embrasait les murailles. La brume orageuse qui avait étreint le Vercors ces jours derniers s'était levée. Un des apprentis de maître Janisse activait la chaîne du puits pour remonter le seau qu'il y avait plongé. A ses pieds un chiot jappait, bondissait, s'aplatissait, lui taquinait les souliers, tournoyait en remuant la queue, tant que le pauvre drôle en était embarrassé. La mère, couchée plus loin, suivait leur manège, le museau sur les pattes de devant, indifférente à un autre qui lui mordillait les oreilles.
    La scène prêtait à rire. Algonde pourtant ne voyait que Mathieu.
    Le jouvenceau, ceint d'un tablier qu'empoussiérait la farine, rechargeait déjà sa pelle de pâte rebondie que son père avait travaillée la nuit précédente. Mû par la force de l'habitude, et un sérieux coup de main, il la fit glisser sur la plaque chaude du four.
    L'odeur de cuisson des petits pains dorés qu'il avait déjà sortis embaumait la cour du castel. Algonde se rendit compte qu'elle avait faim. Une faim impitoyable de vie. Secouant la souffrance qui lui collait au corps depuis son séjour dans l'onde, elle se glissa derrière lui, sa belle humeur retrouvée.
    — Que me donnerais-tu en échange d'un baiser ?
    Mathieu sursauta tant qu'il manqua se cogner à la porte du four. Il se retourna vivement comme la jouvencelle s'écartait, les mains dans le dos, l'œil malicieux, la moue aux lèvres. Un sourire benêt lui fendit la face. Sa pelle de bois vidée, il la posa contre le mur. En deux pas, il fut devant l'étagère, choisit la brioche la plus ronde et la lui tendit, si heureux de sa visite qu'il s'en retrouvait muet.
    — Approche donc ta joue, dit-elle.
    Il allait obéir lorsqu'un sursaut de lucidité le retint.
    Il se renfrogna.
    — Pour que

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