Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
tu puisses la pincer, merci bien…
    Algonde éclata de rire. En d'autres temps, oui, elle aurait pu. Sûrement. Mathieu haussa les épaules, certain de s'être fait berner. Il se détourna d'elle pour surveiller la cuisson des petits pains. Elle le rattrapa, sa brioche à la main, et, vive comme l'éclair, embrassa cette pommette qu'il lui refusait. Il en resta statufié. Algonde recula. Ce simple contact venait de réveiller en elle le désir que le baron avait révélé. Son regard s'en chargea malgré elle. Mathieu se retourna, se rendant soudain à l'évidence que quelque chose en elle avait changé.
    — J'ai congé ce jour, bredouilla Algonde, en baissant les yeux. Je me disais…
    — On pourrait pousser jusqu'à la rivière, proposa Mathieu, le cœur battant.
    — Quand tu auras terminé ta fournée…
    Il hocha la tête.
    La gorge nouée, elle tourna les talons avant d'ajouter, discrètement, par-dessus son épaule :
    — Merci pour la brioche. Ça me manquait.
    Mathieu la regarda s'éloigner jusqu'à ce que la voix du Jeannot, son père, qui revenait des latrines dans un recoin de la muraille, le rappelle à l'ordre :
    — Active-toi donc, joli cœur ! Les femmes, c'est comme le pain, c'est à point qu'il faut les croquer… Autant dire quand on les a mariées…
    Mathieu retourna au fournil, agréablement troublé.
     
    Une heure plus tard, il se rendait en cuisine, son panier rempli au bras, qu'il échangeait chaque jour contre son matinel. Maître Janisse l'en débarrassa en clignant de l'œil.
    — Sers-toi du lait de poule pour ta peine, dit-il en désignant d'un mouvement de tête le billot où la crème liquide refroidissait dans un pichet.
    Algonde s'y trouvait attablée. Le jouvenceau délesté de sa charge s'avança vers elle, la joue brûlante encore de la trace de son baiser. Algonde l'accueillit d'un sourire. Aider maître Janisse à préparer ses tourtes lui avait permis de se remettre. D'autant que le brave homme s'était réjoui de la voir de nouveau pleine d'allant et de gaieté. Ils avaient discuté du mariage en préparation, pour lequel déjà on confectionnait toutes sortes de pâtés. Et de Mathieu aussi. Surtout. Algonde avait laissé entendre au cuisinier que le jouvenceau s'était enfin décidé.
    Elle lui tendit un bol. Il y brûla ses lèvres.
    — Vous voilà bien silencieux, s'esclaffa maître Janisse en revenant vers eux, une épaisse tranche de pain recouverte de beurre à la main.
    Il la posa devant eux et la partagea de son couteau.
    — La faute en est à votre lait de poule, se défendit Mathieu, qui se sentait gourd de cette nouvelle complicité avec la jouvencelle.
    — Entendez-vous, vous autres, claironna maître Janisse, ses poings ramenés sur les hanches, quelques douceurs et ils sont sans voix !
    Le rire gras des marmitons les gêna pareillement.
    — Viens-tu ? demanda Mathieu en reposant son bol vide.
    Algonde hocha la tête. Une œillade complice. Ils détalèrent d'un même élan comme lorsqu'ils étaient enfants.
    — Et ma tartine ? se lamenta maître Janisse.
    Ils ne se retournèrent pas. Le cuisinier, attendri, en prit un morceau entre ses doigts boudinés et l'enfourna dans sa bouche gourmande. Pas de gaspillage. Jamais.
     
    Dans les gorges, le Furon formait parfois de petites enclaves plus calmes où Mathieu et Algonde allaient se baigner autrefois. Il y avait d'autres enfants au castel, mais ils étaient tous plus jeunes ou plus vieux, de sorte qu'ils avaient été embarrassés des uns et dédaignés des autres. La plupart du temps, ils les fuyaient pareillement dès lors que leurs corvées s'achevaient. Au fil des années, ces dernières avaient pris le pas sur le temps de jeu. Ils venaient de plus en plus rarement dans cette combe isolée, à l'abri des regards indiscrets. Ils s'y posèrent à bout de souffle, chacun sur un rocher qui affleurait l'onde vive. D'un même geste tant de fois répété, ils ôtèrent leurs souliers et y trempèrent leurs pieds.
    — J'avais oublié qu'elle était si froide, frissonna Algonde, retrouvant d'un coup la sensation détestable du souterrain.
    Tout à la fois pourtant, l'envie de s'y jeter lui oppressa les côtes. Elle ramena ses chevilles sur la pierre et manqua chavirer, surprise par la giclée d'eau que lui projetèrent celles de Mathieu. Il rit. Elle reprit son équilibre. L'été dernier, elle était tombée et s'était vengée en l'aspergeant copieusement. Pour se défendre Mathieu était

Weitere Kostenlose Bücher