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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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rapprochés par le timbre assourdi des confidences de Jacques, se trouvaient à présent près d'une niche dans laquelle François avait, en entrant, déposé la lanterne. La chandelle en cire d'abeille s'y consumait toujours, jetant une petite fumée sombre aux relents de miel. Jacques referma le triangle qu'ils avaient formé tantôt, en posant sur leurs épaules sa poigne massive. Le regard des deux hommes rejoignit le sien. Aymar de Grolée dodelina de la tête.
    — As-tu songé à soumettre ce cas à l'évêché ? demanda-t-il en homme peu habitué à la fatalité.
    Jacques secoua la tête.
    — Je connais leurs manières. Le temps qu'ils mènent leur enquête, cette diablesse les aura exterminés. Ses pouvoirs dépassent ceux des sorcières que j'ai pu croiser. J'ai vu sa gorge transpercée se recoudre tandis qu'elle se riait de moi. Non, c'est ailleurs qu'en l'Église qu'il faut chercher une solution. Si elle la craignait, elle aurait évité la messe, or, pas une fois je ne l'ai vue rechigner à s'y rendre.
    — Nous sommes perdus, trembla François en se signant.
    — Je ne pense pas, tempéra Jacques.
    Il laissa retomber ses bras.
    — Si elle cherchait à nous nuire, elle l'aurait fait depuis longtemps. Elle me l'a dit elle-même. Elle attend quelque chose. Quelque chose qui a un lien avec Jeanne, Hélène et Algonde.
    François darda sur son père un regard hébété.
    — Et pas Sidonie ?
    — Sidonie n'est qu'un moyen détourné pour atteindre ce but. La victime innocente de ses manigances et, sans doute, sa prisonnière. Crois-moi, mon fils. Je n'ai cessé de tourner et retourner cette question dans ma tête et à la faveur de mes souvenirs, je sais ce jourd'hui pourquoi Marthe s'en est prise à Jeanne.

25
    Jacques écrasa entre le pouce et l'index une petite araignée qui, tissant pour agrandir son ouvrage, venait, au bout d'un fil, de lui chatouiller le nez. Attentifs, les deux hommes le fixaient, entre la crainte et la confiance que sa gravité reflétait.
    — Te souviens-tu, Aymar, de ces moments où Jeanne semblait ailleurs, comme avalée par quelque tourment intérieur ?
    Le baron de Bressieux hocha la tête. C'était un des traits de caractère de Jeanne de Commiers qui la rendait si désirable. Ces absences soudaines qui, sans raison et quel que fût le contexte, lui conféraient une fragilité intense. Elles duraient peu, le temps de répéter une phrase, une question et de nouveau Jeanne était là qui souriait douloureusement, comme prise en faute. Elle ne s'excusait jamais, mais se signait. Chaque fois.
    — Au tout début de notre mariage, je ne m'en suis pas inquiété. Jeanne était rayonnante de gaieté et de générosité la plupart du temps. La naissance de Louis puis la tienne, François, ont semblé mettre un terme à ces bizarreries qui jusque-là succédaient à des cauchemars dont elle refusait de parler. C'est durant la grossesse d'Hélène que cela a recommencé, puis s'est aggravé. Jeanne ne passait pas une nuit sans s'éveiller en criant, la main sur le ventre, et ne s'apaisait qu'à mon contact que je resserrais.
    — Je me souviens en effet à quel point elle avait alors les traits tirés et les cernes profonds. T'a-t-elle révélé la nature de ses cauchemars ? s'enquit Aymar, troublé.
    — Elle a fini par s'y résoudre. Par me dire qu'il ne s'agissait pas de cauchemars. Mais de visions prémonitoires, soupira Jacques.
    — Comme… Comme… les sorcières? bégaya François.
    Jacques sourit.
    — Ta mère n'avait rien d'une sorcière. Elle était d'une piété hors du commun et se confessait chaque fois que ces étranges choses la prenaient. L'abbé Mancier que j'ai pris il y a trois jours en aparté s'en souvient très bien. La croyant morte, il a bien voulu briser le secret de la confession et me révéler sa propre incrédulité face à la pertinence de ses visions. Il n'en fut pas une seule à sa connaissance qui ne se soit réalisée. Tel accident de chasse, telle épidémie, telle naissance avortée. La mort, la souffrance, les diableries mais aussi les moments heureux et inattendus ou inespérés. Jeanne avait cette prescience qu'il qualifiait de don divin pour l'apaiser. Tout en sachant qu'un autre que lui l'aurait menée au bûcher.
    — Mais quel rapport avec Marthe ? intervint de nouveau François, bouleversé par cette image de sa mère qu'il n'avait, lui, pas gardée.
    — Quelques semaines avant que Jeanne n'accouche de ta sœur,

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