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Le chat botté

Le chat botté

Titel: Le chat botté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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de l’Assemblée déchirent des draps pour en faire des bandes. C'est ainsi que Delormel retrouve Rosalie; elle s’affaire à déchiqueter un tissu. Il s’arrête devant elle :
    — Tes pansements ne serviront pas. Avec nos canons, les blessés seront dans l’autre camp.
    — Il faudra bien qu’on les soigne aussi, non ?
    Disant ceci d’une voix faible, elle pensait encore à ce fou de Saint-Aubin.
    L'après-midi, plus de huit mille sectionnaires encerclent le palais à portée des canons. Vers quatre heures, les adversaires sont face à face. Les rebelles, fusil sous le bras, le chapeau à la main, essaient jusqu’au dernier instant de convaincre les soldats : « Frères, rejoignez-nous ! » Il y a des femmes avec des bouquets de feuilles et de fleurs. Barras pense que l’armée peut fléchir, alors il hausse le ton. Place du Carrousel, droit sur son cheval, il crie aux sectionnaires mutinés : « Bas les armes ! » Un garde national se détache de la masse des émeutiers. Il marche vers le vicomte, dégaine très vite et va lui assener un coup de sabre. Auprès de Barras, deux aides de camp, Victor Grand et Poncelet, à pied, se jettent sur l’individu et détournent le coup. Le sectionnaire veut courir, se perdre dans les bataillons serrés et désormais silencieux des rebelles, mais un grenadier l’attrape par un bras, d’autres soldats le ceinturent et le traînent devant le général en chef qui lui crie :
    — Tu ne mérites pas ton uniforme!
    Terrifié, solidement tenu, le malheureux reste sans voix quand on le dépouille de son baudrier et de sa veste bleue qui tombe à terre comme un chiffon. Un soldat propose :
    — Tuons-le !
    Que va-t-il se passer, si on l’abat ? Les sectionnaires, en face, sont prêts à faire feu, on n’éviterait pas une fusillade meurtrière car il faudra riposter, or il n’est pas question de tirer les premiers. Et l’homme supplie, il pleurniche :
    — Citoyen représentant, mon petit commerce ne me suffit qu’à peine, et j’ai six très jeunes enfants. Pour eux, laissez-moi vivre...
    — Qu’il parte, dit Barras.
    Penaud, sans armes, le garde repart dans son bataillon. Buonaparte pousse son cheval maigre contre celui de Barras, il chuchote :
    — Maintenant ?
    — Au premier incident, dis à Brune et aux autres de tirer mais au-dessus des têtes. Evitons les morts. Tes canons sont en place? Allons reconnaître nos défenses.
    Disposés autour du château, les canons des Sablons gouvernent les abords. Buonaparte a recruté ses canonniers chez les gendarmes et les volontaires de 89 qui ont l’expérience de la guerre des rues. Eux aussi sont prêts. Les bouches à feu chargées jusqu’à la gueule, les mèches allumées. Escortés de chasseurs, les deux généraux visitent ces dispositions jusqu’à la rue Saint-Honoré, vers les premières lignes des muscadins descendus du Palais-Royal, pour découvrir un vrai fortin sur les marches de l’église Saint-Roch : des demi-colonnes pour s’embusquer, des angles de ruelles, une petite guérite en bois près du portail où plusieurs hommes peuvent s’abriter pour tirailler. Barras grogne :
    — Une montagne factice.
    — Oui, dit Buonaparte, mais ces singes peuvent en débouler et bousculer nos soldats.
    — Et même tourner contre nous ton unique canon de l’impasse du Dauphin...
    L'impasse du Dauphin s’ouvre en face de l’église. Ce cul-de-sac aboutit directement au jardin des Tuileries près des ex-écuries royales; il est facile de renverser les grilles pour y passer. Buonaparte le voit.
    — Une seule pièce de huit, dit-il. Il m’en faudrait deux autres pour battre la rue.
    — Reste ici, je te les envoie, mais par où ? La rue Saint-Honoré devient risquée.
    — Par les jardins. Je vais faire ouvrir la grille.
    Barras et ses chasseurs repartent en direction des Tuileries sous les moqueries des muscadins :
    — Viens avec nous, général !
    — Sinon on va te plumer comme ta République !
    Buonaparte a rejoint Berruyer qui commande dans l’impasse des fantassins de la ligne et quelques artilleurs en bonnet phrygien.
    — Fais charger les fusils, dit Buonaparte au vieux général.
    — Ils sont chargés et mes bonshommes impatients.
    — Qu’ils se calment.
    — Pour l’instant ils résistent aussi bien à la séduction qu’aux quolibets de ces petits messieurs de l’église.
    — Barras nous envoie d’autres canons. Fais ouvrir les grilles qui nous séparent des jardins.
    — On peut tirer sur

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