Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
Vom Netzwerk:
soyez, vous avez eu plus de temps qu’il n’en fallait pour répondre à ma lettre du 31 décembre dernier. Puisque vous ne l’avez pas fait, je juge qu’il vous convient que nous redevenions étrangers l’un pour l’autre, comme par le passé. Je suis trop galant pour avoir en ceci un autre avis que le vôtre. Ainsi, après vous avoir écrit amicalement dans ma dernière   : Cherchez, mon enfant, qui vous flagorne et dissimule avec vous par faiblesse ou par intérêt   ; aujourd’hui, je vous écris   : je n‘en ai ni le temps, ni la volonté.
    « Seulement, je vous invite à vous conduire sagement, si vous voulez être heureuse. La clémence, la bonté, la générosité du roi, grâce à mes soins, ont passé votre espoir. Que votre ingratitude pour moi, mon enfant, ne s’étende pas jusqu’à ce bon maître   ! C’est le meilleur avis que je puisse vous donner.
    « Souvenez-vous que je vous ai imposé de sa part le plus profond silence sur vos anciens démêlés avec ceux que vous nommez vos ennemis. J’ai promis pour vous que vous y seriez fidèle   ; gardez-vous de le rompre légèrement   ! Que la rage d’imprimer ne vous entraîne pas en quelque désobéissance   ! Et surtout, ne manquez à aucune des conditions auxquelles vous vous êtes soumise en contractant avec moi   ! Vous seriez inexcusable aujourd’hui. Ce tort affreux répandrait sur le passé les plus tristes lumières   ; et de ce moment, votre bonheur et votre honneur seraient détruits.
    «Ne manquez pas de me faire parvenir, le plus promptement possible, les pièces suivantes qui, à la vérification des papiers entre les pièces et les inventaires, se sont trouvés à vide dans les portefeuilles, M. de Vergennes collationnant avec moi.
    « Je vous salue   »
    Furieux de se voir traité en petite fille capricieuse, le chevalier- chevalière répond par une lettre de trente-huit pages {181} !
    « Il y a longtemps, monsieur, commence-t-il, que je connais la supériorité de votre esprit et de vos talents, et vous m’avez donné en France, auprès du roi et de M. de Vergennes, trop de preuves de l’excellence de votre cœur pour que vous n’ayez pas un droit acquis sur ma sensibilité et ma reconnaissance pendant tout le reste de mes jours. Mais vous me permettrez de vous dire que le ton de despotisme que vous affectez dans vos jugements depuis la signature de notre transaction préparatoire, et depuis votre dernier retour de Paris, est trop révoltant pour moi, et vous rend aussi impraticable que l’était M. Pitt en 1761, lors de la négociation de la dernière paix. [...]
    « Ce serait perdre votre temps et vos peines que de vouloir me convertir sur une opinion qui concerne uniquement la délicatesse que je dois avoir sur mon honneur personnel. Je ne veux pour aucune considération et pour aucune somme au monde que le public puisse croire que je suis intéressée dans les infâmes polices qui se sont élevées sur mon sexe. C’est là, Monsieur, un véritable principe d’honneur que je me suis fait à moi-même, et duquel je ne puis me départir, ainsi que je vous en ai déjà prévenu et fait prévenir par votre ami, M. Gudin, avant votre dernier départ pour Paris. Il peut se faire que les beaux esprits se moquent de ma délicatesse et de mon paragraphe dans le Morning Post du 13 novembre dernier   ; qu’ils regardent le cas où je me trouve comme une occasion de piller les poches des Anglais   ; c’est une chose à laquelle je ne consentirai jamais par mon propre fait quand je devrai être blâmée de toute la France. Qu’on regarde tant qu’on voudra mes principes et mes raisons pour des balivernes, même pour des sottises, peu m’importe. J’aime encore mieux que le public m’appelle bête et sotte que voleuse et friponne. Sur ce chapitre, j’ai élevé dans mon cœur mon propre tribunal qui est cent fois plus sévère et plus délicat que le tribunal respectable des maréchaux de France, juges naturels du point d’honneur. Si les réflexions que je viens de faire sont solides, elles me justifient   ; si elles sont fausses, mon erreur sera mon excuse.
    «Dans ces circonstances critiques, et après les explications beaucoup trop vives de part et d’autre que nous avons eues sur ce misérable objet, pour dissiper la colère que vos reproches déplacés ont fait naître dans mon cœur, j’ai été rejoindre milord Ferrers à sa terre. Depuis plus d’un mois, il me priait d’aller passer ma

Weitere Kostenlose Bücher