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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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aime aussi, je ne donnai point mes armes à M. Caron, quoique je ne sois pas comme lui lieutenant-général et commandant en chef d’une armée de chiens, lièvres, lapins, perdrix, faisans, bécasses, bécassines, et autres animaux de la vénerie.
    « Ces deux refus, joints à celui d’entrer dans le noble plan de vider la poche des parieurs anglais sur mon sexe, ont fait tout mon tort près de ce bienfaiteur sycophante. J’avoue que je ne me suis point portée à me repentir. [...] Tout ce qu’il fait, il le fait pour lui- même, et s’il n’eût pas cru trouver un grand intérêt pour sa personne dans mes propres affaires, il aurait fait tout au plus pour moi un couplet de chanson.
    « D’après tout ceci, vous voyez, Monseigneur, qu’en fait de bons offices, si nous comptions, ce serait lui qui me devrait de la reconnaissance. Quant à moi, je suis très convaincue que je ne lui dois que du mépris, et je vous proteste que je paie cette dette de manière à tranquilliser sur ma conscience les plus sévères casuistes. En vous parlant avec cette naïveté, je ne vous apprends rien de nouveau. Ma façon de penser au sujet du sieur Beaumarchais vous est connue   ; je vous l’ai dès longtemps manifestée. Et lui-même sait parfaitement à quoi s’en tenir, puisque vous avez jugé à propos de lui communiquer mes diverses missives contenant tout sa brillante négociation   ; celle entre autres du 27 mai 1776, que j’eus l’honneur de vous adresser par le chevalier O’Gorman.
    « Quand j’ai été à Paris et dans ma province dîner et souper dans les plus grandes maisons (où je suis admise depuis plus de 35 ans, tant par curiosité que par la considération, l’estime et l’état dont mes pères ont joui, ainsi que moi, dans le monde), je n’ai jamais accusé, ni à table, ni devant les valets, Caron d’avoir retenu à son profit particulier 60 000 livres sur les fonds qu’il était chargé de me remettre   ; mais j’ai avancé une chose très vraie, en disant en particulier à trois on quatre personnes à Paris qu’il avait le pouvoir du roi et de son ministre de me les remettre, et qu’il ne me les a pas encore remis, quoique, s’il avait de l’honneur, il y serait obligé, et par la promesse qu’il m’avait faite le 15 juillet 1775, à son départ de Londres pour Versailles, et par le quatrième article de votre transaction du 5 octobre 1775, il ne me les a pas remis   ; donc il m’en a fait tort. Il me les aurait certainement remis, si j’eusse voulu avoir pour lui la lâche complaisance de consentir à la proposition qu’il m’a faite et fait faire de le laisser gagner tout l’argent des polices anglaises sur mon sexe. Il est content de lui-même   ; vous faites semblant d’en être satisfait aujourd’hui que je suis à Versailles   ; mais cela ne dit pas que je suis contente.
    « Mylord Ferrers n’était pas plus satisfait que moi à Londres de l’infidélité, de l’insolence et de l’usure de Beaumarchais, puisqu’il vous en a porté plainte par sa lettre en date de Londres, le 24 mai 1776, et que vous lui avez fait des excuses au nom de Beaumarchais, par votre lettre en date de Versailles, le 15 juillet 1776, et que vous lui avez fait passer par votre lettre en date de Versailles, le 6 mai 1777, une lettre de change de 375 louis, pour remplacer les comptes pris à tort et à travers, et qu’il reste encore à payer en billets 233 louis à ce pair, à cet amiral d’Angleterre, dont Caron a escamoté le paiement contre la parole d’honneur qu’il lui avoir donnée   ; oui, escamoté avec l’adresse dont le juif Éphraïm serait seul capable [...]. Et si, pour en convaincre Caron devant le public, il est nécessaire d’en avoir un certificat légalisé par la chambre des pairs d’Angleterre, je le ferai venir quand vous voudrez. En attendant, vous pouvez tenir pour certain que toute la probité des quatre ministres réunis, en y comprenant même celle des premiers commis, ne serait pas capable de faire de Caron un honnête homme dans mon affaire. On en est si convaincu en Angleterre, qu’au lieu de l’appeler Beaumarchais, le surnom de Bon marché lui est resté.
    «Caron ne vous aurait peut-être pas encore, monseigneur, retourné ces 60 000 livres, si par deux lettres pressantes vous ne l’eussiez pas forcé, au mois de juillet 1776, de vous rendre les comptes exacts de sa négociation vis-à-vis de moi en Angleterre.
    « Je suis étonnée que ce

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