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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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coiffée d’un chapeau à plumes laissant échapper une longue chevelure bouclée. D’une main, elle porte l’étendard fleurdelisé du roi et de l’autre semble inviter ses troupes à la suivre. Une double estampe montrait la même personne en officier de dragons d’un côté et en jolie femme de l’autre. Un dessinateur facétieux fit du chevalier-chevalière un hermaphrodite artistique moitié en uniforme, moitié en robe de cour. Et naturellement, bien d’autres représentations de caractère obscène couraient sous le manteau.
    La tentation du cloître Une telle publicité amusait d’Éon, mais ne relâchait pas le carcan de sa nouvelle existence. Passer pour une femme d’exception ne lui souriait guère s’il fallait vivre comme une personne du sexe imposé. Les ministres importunés par ses caprices et ses perpétuelles demandes firent pression sur plusieurs abbesses pour tenter de convaincre la chevalière de prendre le voile ou de se retirer en dans l’un des nombreux couvents du royaume. La comtesse de Maurepas, exaspérée par ce scandale permanent, s’y employa elle-même. La chevalière, docteur en droit canon et qui avait longuement étudié les Saintes Écritures pouvait aisément éblouir les religieuses par ses connaissances théologiques. Elle répondit à l’invitation de la Supérieure de la maison de Saint-Cyr au mois de septembre 1778 en des termes plutôt ambigus. Après avoir donné sa parole de chevalier [sic] qu’elle viendrait seule pour ne pas causer la moindre dissipation parmi les religieuses, elle a l’audace d’ajouter   : « J’ai couru toute ma vie comme une vierge folle après l’ombre des choses tandis que vous, vierges prudentes, vous avez attrapé la réalité en restant stables dans la maison du Seigneur et le sentier de la vertu [...]. Je souhaite que Dieu préserve les personnes de notre sexe de la passion, de la vaine gloire et surtout de celle des armes. Moi seule sais tout ce qu’il m’en a coûté pour m’élever au-dessus de moi-même. Pour quelques jours brillants et heureux que j’ai eus, que de mauvaises nuits j’ai passées. Mon exemple en vérité est meilleur à admirer de loin que de près. Je ne suis heureuse qu’en fumée. Je reconnais que tout est vanité dans ce monde et que le vrai bonheur ne peut se trouver que dans la vertu et Dieu seul que vous suivez {240} .   »
    Ces déclarations dont la sincérité ne pouvait être mise en doute que par ceux qui connaissaient bien l’Amazone, son attitude réservée lors de sa visite à Saint-Cyr, impressionnèrent si favorablement les religieuses qu’elles lui adressèrent des lettres enflammées. L’une des sœurs n’hésita pas à lui dire qu’elle était sur la voie de la sainteté. Un missionnaire de passage lui envoya ces trois quatrains exaltant ses vertus   :
    « De l’antique Pallas, d’Éon a tous les traits,
    Elle en a la sagesse et le mâle courage   ;
    Je me trompe   : d’Éon par d’historiques faits
    Cent fois plus que Pallas mérite notre hommage
    Qu’était-ce que Pallas   ?
    Un être fabuleux,
    Un brillant avorton du cerveau des poètes.
    Le brave d’Éon vit et cent mille gazettes
    Vantent par l’univers ses exploits glorieux.
    Sa plus belle victoire et sa gloire suprême
    N’est pas d’avoir été si longtemps la terreur
    De nos fiers ennemis, par sa rare valeur,
    Mais d’avoir su si bien triompher d’elle-même.   »
    Le missionnaire, lui aussi, mêlait allègrement le masculin et le féminin pour célébrer un personnage hors du commun pour lequel il éprouvait une évidente admiration. Mais peut-être était-il lui- même un être quelque peu ambigu...

La robe d’innocence
    La chevalière se rendit également à Fontevrault et dressa une liste des saints lieux où elle aurait pu se retirer. On la vit même entretenir une correspondance suivie avec quelques mères supérieures. Cependant la vie contemplative ne pouvait la séduire. Elle ne cessait de rappeler les hauts ( !) faits de sa vie militaire et ses heures de gloire dans la carrière diplomatique. Jamais elle ne serait ce qu’elle appelait « une poule mouillée ».
    Elle ne manqua pas de faire cependant mille politesses à tous les représentants du clergé, à commencer par l’archevêque de Paris Monseigneur de Beaumont qu’elle alla voir vêtue d’une longue robe blanche, qu’elle désigne à plusieurs reprises comme « sa robe d’innocence   ».
    « Votre prompte obéissance

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