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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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l’infamie, à l’exécration publique, et ne pas s’occuper de leurs brigandages. Tous les juges ont réuni leur voix à l’opinion du lord Mansfield, et la salle du Banc du roi a retenti d’applaudissements à Westminster. Voici l’observation de l’éditeur du Saint-James’s Chronicle du 3 février sur ce jugement   ; elle est traduite littéralement   :   Les parieurs qui avaient gagé à coup sûr se trouvent ainsi frustrés de la riche moisson qu’ils se croyaient à la veille de faire, et qu’ils avaient si longtemps attendue. Cet arrêt fait rester en Angleterre une somme au moins de soixante-quinze milles livres sterling (environ dix-huit cent mille livres tournois), que sans cela il aurait fallu envoyer à M. Panchaud, banquier, pour lui et pour un petit nombre d’amis qu’on avait honnêtement admis dans le secret pour duper les crédules parieurs de la ville de Londres. Un de ceux-ci, pressé par l’exécution du dernier jugement, avait malheureusement payé le 30 au soir."
    « O ma patrie, que je vous félicite de n’avoir point reçu tout cet or par une voie aussi infâme   ; vous avez tant de bras, tant de cœurs tous prêts à enlever à l’audacieuse Angleterre des dépouilles et plus riches et plus glorieuses   !
    « Magistrats, qui avez reçu mes serments, ministres qui m’avez accréditée, généraux qui m’avez commandée, camarades qui m’avez suivie, ordre royal et militaire de Saint-Louis qui m’avez enrôlée, partagez ma joie   ! Ombre de Louis XV, reconnaissez l’être que votre puissance a créé   : J’ai soumis l’Angleterre à la loi de l’honneur   ! Femmes, recevez-moi dans votre sein   : je suis digne de vous.
    « La chevalière d’Éon   »

Que faire ?
    La chevalière était lasse, désespérée   ; elle tomba malade   ; on la saigna quatre fois sans améliorer son état. Elle rêvait de redevenir le sémillant chevalier et revêtait parfois en cachette le seul uniforme qui lui restât. Et l’habit faisait le moine, l’espace d’un instant. M. Genet qui veillait sur elle la mit en garde   : « Vous feriez une imprudence extrême de vous mettre en homme à Versailles, lui dit-il. Votre doute fait voir la justesse de votre esprit. Persistez à n’en rien faire. Les premiers commis que vous réunissez en feraient un embarras. Mais si M. Gérard {237} vous donne à dîner à sa campagne, vous pourrez vous émanciper un peu plus. Au moins cela sera plus pardonnable {238} .   » Quel sens désormais donner à son existence   ? D’Éon ressentit l’appel des armes. La France allait s’engager dans la guerre d’Amérique. Mettre son épée au service du roi pour servir la cause des Insurgents, partir loin, oublier la honte de ces derniers mois, revivre en homme, en officier... La situation semblait propice à réaliser ses ambitions. Dans les bureaux de la Guerre, on étudiait un plan de débarquement sur les côtes anglaises. D’Éon connaissait le sujet mieux que personne. Il piaffait de jouer de nouveau un rôle. Le prince de Montbarey, ministre de la Guerre, avait rassemblé des troupes sur les côtes de Picardie, de Normandie, de Bretagne et d’Aunis. Une escadre était armée à Brest. Le 17 juin, sans déclaration de guerre, une frégate française, La Belle-Poule, fut attaquée par L’Aréthuse, frégate anglaise. Quelques jours plus tard, deux autres frégates subirent le même sort. L’indignation était telle qu’on voulut en découdre au plus tôt avec les Anglais. Le 30 juin, on donna l’ordre au comte d’Orvilliers d’attaquer la flotte de l’amiral Keppel. Le sang de la chevalière ne fit qu’un tour   : le 27 juin 1778, elle implora le secours de Sartine, alors ministre de la Marine   : « Après tout ce que j’ai fait depuis trente ans en guerre et en paix, je suis honteuse et malade de chagrin de me trouver en jupes au moment où l’on va entrer en guerre et dans un temps où je puis servir mon roi et ma patrie avec le zèle, le courage et l’expérience que Dieu et mon travail m’ont donnés [...]. Je veux bien par obéissance aux ordres du roi et de ses ministres rester en jupes en temps de paix, mais en guerre, cela m’est impossible. Je n’ai l’âme ni d’un moine, ni d’un abbé pour manger en ne faisant rien la pension que le feu roi a daigné m’accorder [...]. Aidez-moi, Monseigneur, à sortir de l’état léthargique où l’on m’a plongée [...]. Alors je donnerai par écrit ma

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