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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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cadavres
de bêtes gisaient çà et là, servant de garde-manger aux mouches, de nid à leurs
larves et de dessert aux hyènes.
    Fémie tripotait sans arrêt les bijoux que le frère trésorier
du krak lui avait remis. Elle ne les trouvait pas à son goût. Elle
s’impatientait, demandant cent fois par jour :
    — Quand est-ce qu’on arrive ?
    Invariablement, Morgennes répondait :
    — Il faut descendre encore.
    — À force de descendre, on va se retrouver en enfer…,
se lamentait-elle.
    Morgennes se taisait. Fémie se perdait de nouveau dans la
contemplation de ses colifichets. Ils continuaient vers le sud.
    Depuis qu’ils avaient quitté le comté de Tripoli, Morgennes
avait revêtu son armure. Quand la nuit tombait, et s’il n’y avait pas
d’étoiles, il disparaissait. Seul le bruit des sabots de sa jument permettait
de savoir où il se trouvait. Généralement, quelques pas devant.
    — Penses-tu qu’il soit prudent d’aller ainsi sans
armes ? lui demanda un jour Massada.
    — Non, répondit Morgennes.
    — Que comptes-tu faire alors ?
    — Rien. Fuir.
    — Ah oui ? s’étonna Massada. Toi peut-être, mais
nous, que ferons-nous ? Je ne vois pas Carabas galoper plus vite qu’un
turcoman !
    — Même Isabeau ne le pourrait pas.
    — Alors ?
    — Alors nous mourrons.
    Massada, que cette remarque laissa interdit, tourna
plusieurs fois sa langue dans sa bouche, et lança à Morgennes, sur un ton quasi
désespéré :
    — Je t’ai racheté parce que tu m’avais promis de me
guérir !
    — Je croyais que tu l’avais fait pour me sauver d’une
mort certaine et pour te racheter, toi, dit Morgennes.
    — Peut-être ! fit Massada. Mais n’oublie pas notre
marché…
    — Je ne l’oublie pas. Je te rappelle que, si tu es
malade, c’est parce que tu nous as trahis, Dieu, Baudouin IV et moi…
D’ailleurs, j’aimerais bien savoir par quel miracle tu es encore entier…
    — De quoi parlez-vous ? demanda Fémie.
    — De rien ! rétorqua Massada. C’est entre
Morgennes et moi, une vieille histoire que tu n’as pas besoin de connaître.
    Lui ayant ainsi fermé son clapet, Massada se détourna de sa
femme, qui repartit dans la contemplation de ses bijoux et, parfois, de
Morgennes. Quand elle le regardait – d’un regard en biais, et qui n’était
jamais franc –, elle ne pouvait s’empêcher de l’appeler « mon
trésor ». Depuis l’incident de Damas, Morgennes avait en quelque sorte
remplacé ses colifichets. Il était sa parure, sa beauté envolée, son guerrier
de diamant : aussi pur, aussi beau, aussi rare et cher que cette pierre
précieuse, la plus brillante et la plus dure qui soit.
    Les journées se suivirent, plus ou moins similaires. Massada
parlait à Carabas, Yahyah jouait avec Babouche, Fémie regardait Morgennes et
celui-ci partait en reconnaissance. Seules changeaient les terres qu’ils
traversaient. Là où avait été la vie s’étendait à présent le désert. À
l’inverse, là où était le désert se trouvait quelquefois une vie étrange, dont
ils se demandaient combien de temps elle durerait. C’est ainsi qu’il leur était
arrivé de se retrouver brusquement dans des zones arides, où des troupeaux de
chèvres broutaient parmi des bosquets d’épineux. Quant aux rares forteresses ou
commanderies du Temple qu’ils aperçurent, elles étaient toutes en ruine. Ou
occupées par les Sarrasins. En un peu plus de deux mois, le Temple avait perdu
près de deux cents bâtisses, casaux et châteaux forts.
    Un soir, alors qu’ils étaient dans la princée de Galilée,
sur une crête du mont Thabor, à mi-chemin de Damas et de Jérusalem, Morgennes
déclara :
    — Je sais où il faut aller.
    — Jérusalem ? demanda Massada.
    — Pas tout de suite. D’abord, nous irons par là…
    Il tendit le doigt vers le sud, en direction du ciel,
peut-être d’une étoile.
    Massada regarda mais ne vit rien. Fémie ne quittait pas Morgennes
des yeux, certaine, à la sérénité qui se lisait sur son visage, qu’il avait
trouvé.
    Yahyah observa l’horizon, et tout à coup s’exclama :
    — Je le vois ! Je le vois !
    Puis il se mit à battre des bras tout en poussant des cris
stridents.
    — Qu’y a-t-il ? demanda plaintivement Massada. Je
ne vois rien !
    — Ouvre les yeux, dit Morgennes, et regarde !
    Massada avait beau écarquiller les yeux, scruter le panorama
de la princée de Galilée, il n’apercevait que des nuages gris au ventre

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