Le commandant d'Auschwitz parle
devenaient
inutilisables et devaient être remplacées au moins tous les trois mois. Mais
pour les raisons les plus diverses il fallait parfois traverser le terrain
miné, et les détenus avaient ainsi la possibilité de repérer les passages non
minés.
Globonick avait appliqué ce système dans les camps d’extermination [90] , mais à Sobibor
le champ de mines installé de la façon la plus méticuleuse n’a pas empêché les
Juifs de réussir une évasion générale en abattant presque tout le personnel des
surveillants : il leur avait suffi de dépister les sentiers non minés.
Une fois de plus, on s’aperçoit que l’utilisation des
procédés mécaniques tout comme celle des animaux ne peut rien contre l’intelligence
humaine. Avec un peu de réflexion et de sang-froid, les prisonniers ont réussi
à plusieurs reprises, en employant les moyens les plus simples, à vaincre par
temps sec un obstacle aussi redoutable qu’une double rangée de fils de fer
barbelés et électrifiés. Il est d’ailleurs arrivé que deux sentinelles qui s’approchaient
trop de ces obstacles aient payé de leur vie cette imprudence.
Auschwitz devient un camp d’extermination
J’ai déjà indiqué à plusieurs reprises que je considérais
comme ma tâche principale d’accélérer par tous les moyens la construction de
toutes les installations qui relevaient du camp de concentration d’Auschwitz et
de la compétence des SS.
Parfois, au cours de périodes de calme, je pensais arriver
au bout de mes peines et je prévoyais déjà le moment où toutes les mesures
prescrites par Himmler seraient exécutées, toutes les constructions achevées.
Mais aussitôt je voyais surgir de nouveaux projets d’un caractère non moins
urgent.
Les ordres du Reichsführer, les difficultés créées par l’état
de guerre, les incidents quotidiens dans le camp, le flot de nouveaux internés
ne me laissaient plus un moment de répit. Tourmenté moi-même, je pourchassais à
mon tour tous mes subordonnés, SS ou civils, toutes les administrations
intéressées, les entreprises privées et les détenus. Je voulais toujours faire
avancer le travail, réaliser les projets qui permettraient à Auschwitz de
meilleures conditions d’existence. Himmler exigeait de nous l’accomplissement
de notre devoir et le sacrifice de notre personnalité. Tout Allemand devait se
donner entièrement à la cause commune afin de gagner la guerre.
Selon l’idée d’Himmler, les camps de concentration devaient
servir aux besoins de l’armement. Tout le reste devait être subordonné à cette
tâche ; il n’y avait pas d’égards à prendre. Rien n’était plus
significatif sous ce rapport que l’indifférence qu’il affichait vis-à-vis des
conditions vraiment impossibles dans lesquelles vivaient les internés. L’armement
progressait – c’était là l’essentiel ; on laissait tomber celui qui
était incapable d’y participer.
Il ne m’était donc pas permis d’afficher des sentiments
différents ; n’ignorant rien de la misère des détenus, je devais me
montrer encore plus dur, encore plus glacial, encore plus dénué de pitié. J’en
savais peut-être trop, mais je ne devais pas me laisser impressionner, ni me
laisser arrêter par ceux qui succombaient en cours de route. Le but final
restait inchangé : il fallait gagner la guerre.
C’est ainsi que je comprenais mon devoir. Puisqu’il ne m’était
pas permis d’aller au front, c’est à l’arrière que je devais me rendre utile
avec toutes les ressources de mon énergie.
Je me rends compte aujourd’hui que tout l’acharnement dont
je faisais preuve dans mon travail, tous mes efforts pour aiguillonner le zèle
des autres ne pouvaient contribuer en rien à la victoire de l’Allemagne. Mais à
l’époque j’étais fermement convaincu que nous finirions par gagner la guerre et
je ne voulais pas me permettre le moindre faux pas, la moindre défaillance.
Selon la volonté d’Himmler, Auschwitz était destiné à
devenir le plus grand camp d’extermination de toute l’histoire de l’humanité.
Au cours de l’été 1941, lorsqu’il me donna
personnellement l’ordre de préparer à Auschwitz une installation destinée à l’extermination
en masse et me chargea moi-même de cette opération, je ne pouvais me faire la
moindre idée de l’envergure de cette entreprise et de l’effet qu’elle
produirait [91] .
Il y avait certes, dans cet ordre quelque chose
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