Le commandant d'Auschwitz parle
très
pénibles : on ne m’infligeait pas de sévices, mais la pression morale
était très dure à supporter. Je ne puis en vouloir à mes juges : ils
étaient tous Juifs.
Ce sont ces Juifs désireux de tout savoir qui m’ont psychologiquement
disséqué. Ils ne laissaient subsister aucun doute sur le sort qui nous
attendait.
Le 25 mai, anniversaire de mon mariage, je fus conduit
avec Bitzler et von Burgsdorf à l’aérodrome où l’on me remit à des officiers
polonais. Un avion américain nous transporta par Berlin à Varsovie. Bien qu’on
nous traitât en cours de route de la façon la plus courtoise, j’avais toutes
les raisons de craindre le pire en pensant à mes expériences dans la zone
anglaise et aux insinuations concernant le traitement qui nous attendait en
Europe orientale. Les mines et les gestes de la foule venue assister à notre
arrivée sur l’aérodrome n’étaient pas faits pour inspirer confiance. Arrivé en
prison, je fus abordé par plusieurs de ces spectateurs qui me montrèrent,
tatoués sur leurs bras, leurs numéros d’Auschwitz. Je ne comprenais pas ce qu’ils
me disaient, mais ce n’était certainement pas des paroles de bienvenue.
Toutefois on ne m’a pas battu. Le régime était très sévère : j’étais
complètement isolé. On venait souvent me regarder. Les neuf semaines que je
passais là furent fort pénibles. Je n’avais rien à lire, rien pour distraire
mes pensées ; je n’étais pas autorisé à écrire.
Le 30 juillet, j’arrivais avec sept autres Allemands à
Cracovie : en gare, on nous fit attendre notre fourgon cellulaire pendant
un bon moment. Une foule assez importante s’était réunie et nous injuriait
copieusement : on avait tout de suite reconnu Goth [118] , l’un de nos
compagnons. Si la voiture n’était arrivée à temps, on nous aurait lapidés.
Pendant les premières semaines, la prison était tout à fait supportable, mais
soudain l’attitude des gardes-chiourme se transforma du tout au tout. D’après
leur conduite et les conversations que je parvenais à comprendre tant bien que
mal, je pouvais supposer qu’on voulait « m’achever ». On me donnait
un tout petit morceau de pain et quelques cuillerées de soupe. Jamais on ne m’accordait
une deuxième portion quoiqu’il restât presque tous les jours de la nourriture
en trop qu’on distribuait dans les cellules voisines. Si l’un des gardiens se
risquait à me faire participer à cette distribution supplémentaire, les autres
sifflaient pour le faire revenir. C’est ici que j’appris à connaître la
puissance des prisonniers investis de responsabilités : ils dominaient
tout. Précédemment, j’avais eu maintes occasions d’observer cette influence
sinistre qu’ils exerçaient sur les codétenus : maintenant, une nouvelle
confirmation m’en était donnée à mes dépens. J’appris aussi à connaître dans
tous les détails les diverses catégories des gardiens. Si le procureur n’était
pas intervenu, on m’aurait effectivement « achevé », physiquement et
surtout moralement.
Mes nerfs sont solides et la vie m’avait déjà appris
beaucoup de choses. Mais supporter la torture morale à laquelle me soumettaient
trois êtres sataniques était au-dessus de mes forces. Et je n’étais pas le seul
qu’ils traitaient ainsi ; il y en avait quelques autres parmi les
prisonniers polonais. Maintenant, ils ne sont plus là : un calme très
agréable règne dans la prison.
Je dois dire en toute franchise que je ne m’étais jamais
attendu à être traité dans une prison polonaise de façon aussi convenable, avec
tant de prévenance : ce fut le cas après l’intervention du procureur.
Conclusion
Quel est le jugement que je porte aujourd’hui sur le
Troisième Reich ? Sur Himmler avec ses SS, sur les camps de concentration
et la police de Sécurité ? Comment est-ce que je considère les événements
qui se sont produits sous mes yeux dans ce secteur ? Comme par le passé,
je reste fidèle à la philosophie du parti national-socialiste. Lorsqu’on a
adopté une idée depuis vingt-cinq ans, lorsqu’on s’est attaché à elle corps et
âme, on n’y renonce pas parce que ceux qui devaient la réaliser, les dirigeants
de l’État national-socialiste, ont commis des erreurs et des actes criminels
qui ont dressé contre eux le monde entier et plongé dans la misère, pour des
dizaines d’années à venir le peuple allemand. Pour ma part, je ne suis
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