Le commandant d'Auschwitz parle
choisi Auschwitz, d’abord à
cause de sa situation favorable du point de vue des communications et ensuite
parce que l’emplacement destiné à une action semblable peut facilement être
isolé et camouflé dans cette région. J’avais primitivement voulu confier cette
tâche à un officier SS de rang supérieur ; mais j’y ai renoncé afin d’éviter,
dès le début, des discussions au sujet de la répartition des compétences. C’est
donc à vous que la tâche incombera. C’est un travail dur et pénible qui vous
attend ; vous devrez y engager votre personne tout entière et faire
abstraction des difficultés qui vous attendent. Les détails vous seront
communiqués par le Sturmbannführer Eichmann de la RSHA, qui se rendra
prochainement auprès de vous.
« Les administrations participantes seront informées
par mes soins en temps utile. Vous devez garder un silence complet au sujet de
cet ordre, même devant vos chefs hiérarchiques. Après votre conversation avec
Eichmann, vous m’enverrez sans retard les plans de l’installation proposée.
« Les Juifs sont les ennemis éternels du peuple
allemand et doivent être exterminés. Tous les Juifs sur lesquels nous pouvons
mettre la main doivent être anéantis sans exception aucune, dès maintenant,
pendant la guerre. Si nous ne parvenons pas aujourd’hui à détruire les bases
biologiques de la juiverie, ce serait, par la suite, les Juifs qui anéantiront
le peuple allemand. »
Ayant reçu cet ordre lourd de signification, je rentrai
immédiatement à Auschwitz et m’initiai aux projets élaborés pour les « actions »
dans les divers pays. Je ne me souviens plus très exactement de l’ordre dans
lequel elles devaient se succéder. À Auschwitz, on devait commencer par la
Haute-Silésie et les parties avoisinantes du gouvernement général (de la
Pologne). Simultanément ou par la suite, selon les circonstances, viendrait le
tour des Juifs d’Allemagne et de Tchécoslovaquie. Plus tard, celui des pays
occidentaux, de la France, de la Belgique, de la Hollande. Il m’indiqua aussi
le nombre approximatif de convois attendus. Aujourd’hui, je ne saurais guère le
citer [122] .
Nous discutâmes ensuite du processus de l’extermination. Il
m’expliqua qu’il ne pouvait être question d’employer autre chose que les gaz.
Ce serait simplement impossible d’éliminer, par la fusillade, les masses
attendues ; en tenant compte des femmes et des enfants, cette dernière
méthode serait d’ailleurs trop pénible pour les SS qui l’appliqueraient.
Eichmann m’expliqua la façon de tuer les gens pendant le
transport en camion en employant des résidus de gaz de moteur comme cela se
faisait jusqu’alors en zone orientale [123] .
Mais il ne pouvait en être question pour les convois massifs attendus à
Auschwitz. Il me dit aussi qu’on avait employé, en certains endroits du Reich,
de l’oxyde de carbone pour des douches dans des salles de bains, afin d’exterminer
des aliénés ; mais cela exigeait trop d’aménagements ; d’ailleurs, il
était douteux qu’on puisse se procurer ce gaz en quantité suffisante pour des
masses aussi considérables. Nous ne pûmes parvenir à aucune décision à ce
propos. Eichmann voulait se renseigner au sujet d’un gaz qu’on pourrait
facilement se procurer et appliquer sans installation spéciale ; il me
ferait savoir ce qu’il en était. Nous fûmes d’accord pour reconnaître que la
ferme qui se trouvait à l’angle nord-ouest du futur secteur III de
Birkenau était particulièrement appropriée à ce but [124] . Elle se
trouvait à l’écart, protégée par les boqueteaux et les haies environnantes
contre les regards indiscrets et n’était pas trop éloignée de la voie ferrée.
Les corps seraient déposés dans des fosses longues et profondes qu’on
creuserait dans les prairies adjacentes. À ce moment, nous n’envisagions pas
encore l’incinération. D’après nos calculs, il était possible de tuer simultanément,
dans les locaux disponibles et avec l’aide d’un gaz approprié, environ huit
cents personnes. Ce chiffre correspondait effectivement à la capacité constatée
ultérieurement.
Eichmann ne pouvait pas encore indiquer la date du début de « l’action » :
tout se trouvait encore au stade de préparation et Himmler n’avait pas encore
donné le signal de mise en route.
Il rentra à Berlin pour informer Himmler de nos
conversations.
Quelques jours plus tard,
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