Le Conseil des Troubles
préoccupée, il s'empressa d'ajouter :
— Cette intelligence, ils ne l'auront pas.
— Pour quelle raison ?
— Hollandais, Autrichiens, Anglais, Brandebourgeois, Espagnols, Saxons, Suédois, Bavarois: ils ne se comprennent pas, ne savent organiser leurs efforts en une même direction ni imposer un commandement unique qui ne soit point discuté. C'est le drame de toute armée de coalisés, et c'est la chance du royaume des lys.
Ce furent les seules paroles qu'ils échangèrent durant le long trajet menant à Auteuil.
***
Le visage dissimulé par son voile de gaze de soie noire, Von Ploetzen, triomphant, récupéra le document qu'il venait d'étaler sous les yeux des commandants en chef espagnol et autrichien. Un document signé par rien moins que trois monarques.
D'une voix sifflante, il questionna :
— Est-ce suffisamment clair?
Les autres acquiescèrent sans feindre le moindre enthousiasme.
— Nous sommes donc convenus que vous me remettrez dès après sa capture Tancrède de Montigny, duc de Bamberg et général de dragons. Pareillement, nous voilà convenus que tous ceux dits de l'escadron des Opérations Spéciales seront aussitôt que capturés passés par les armes, y compris les officiers. Quant aux gardes-françaises et autres traînards qui se sont joints à Bamberg lors de la retraite, ils seront eux aussi exécutés. Si vous désirez sauver les apparences, tuez tout ce monde à la baïonnette si bien qu'on pensera qu'ils ont péri lors de l'assaut. Pas d'autres prisonniers que Bamberg! Pas un! Me suis-je bien fait comprendre, messieurs ?
— Certainement! répondit sans enthousiasme le commandant autrichien.
Von Ploetzen le remarqua, et s'en affligea. D'un ton de plus en plus cassant, il ajouta :
— La seconde partie de cet ordre vous informe que 3 000 hommes vous arriveront tout à l'heure, ce qui devrait porter votre effectif total à 7 500. Vous attaquerez demain, à minuit. Vos hommes sont assez nombreux pour monter à l'assaut du plateau au coude à coude, ce qui n'autorisera aucune fuite chez les assiégés. Ah, une dernière chose : si le général de Montigny-Bamberg était tué lors des combats ou, ce qui serait assez dans sa manière, s'il se suicidait pour ne pas tomber vivant entre nos mains, prenez le plus grand soin de son cadavre : mes gens le viendront chercher.
Il marqua un temps puis chercha à secouer l'accablement du commandement coalisé : .
— Messieurs, ne regardez aucunement aux pertes, ceci n'a aucune importance. Et souvenez-vous qu'on n'a jamais vu, en l'histoire militaire du monde, 7 500 hommes ne point enlever une position, si bonne soit-elle, défendue par 150 officiers et soldats épuisés, blessés et malades. Donc, vous réussirez !
Il sortit sans ajouter un mot.
47.
À peine arrivé en la maison d'Auteuil, le marquis de Pontecorvo s'empressa d'allumer un feu dans la cheminée de la pièce du bas et un autre dans celle de la chambre.
Pendant ce temps, Marion faisait chauffer du lait et bientôt, ils furent tous deux attablés, silencieux, appréciant leur boisson chaude.
Le silence, parfois consternant lorsqu'il s'installe en une conversation, ne les gênait pas car leurs rapports ne se trouvant jamais en le badinage, il n'était pas nécessaire de feindre quoi que ce fût.
Enfin, elle le regarda avec insistance, comme on le fait après avoir pris une forte résolution. Il s'en aperçut mais, par habitude, ne manifesta aucunement sa curiosité. Il fut cependant troublé lorsqu'elle lui adressa un sourire étrange, un sourire qu'il ne lui connaissait pas.
Enfin, elle s'approcha d'une soupière de faïence, souleva le couvercle et en sortit un document qu'elle tendit, toujours silencieuse, à l'homme de confiance du pape. Pontecorvo examina le sceau brisé et leva un regard grave sur la jeune femme qui affichait un certain détachement.
— C'est le sceau royal ?
Mais la question n'en était point une, relevant plutôt de la constatation.
— Celui du roi, en effet. Lisez cela, marquis, vous en aurez de l'étonnement sachant que je ne vous fais point une niche.
L'Italien, dévoré de curiosité, lut rapidement et fut très surpris. Ordre était donné aux civils comme aux militaires, quels que fussent leur grade ou leur importance, de faciliter en toute hâte le passage du porteur du présent document et de déférer à ses demandes, quelles qu'elles fussent, les considérant comme des ordres. Tout manquement serait très gravement puni et,
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