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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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gardes-françaises. On comptait une dizaine de blessés graves ou très graves et des dizaines de soldats malades prenaient leur poste en titubant de fièvre.
    On avait accumulé, au début, tous les vivres possibles mais ils s'épuisaient et l'on se partageait à présent un pain bleu-vert, moisi, qu'on découpait à la hache, un pain arraché à un convoi autrichien lors d'une sortie dix jours plus tôt.
    Bamberg qui, auparavant, n'hésitait pas à autoriser ses hommes à aller à la maraude 1 savait la chose inutile : on ne pouvait s'aventurer à plus de 400 mètres et le seul des quatre côtés moins gardé menait à une rivière tumultueuse qui charriait d'énormes blocs de glace !
    Plusieurs hommes qui n'appartenaient pas aux Opérations Spéciales vivaient en état d'intempérance permanent car on avait récupéré tout un convoi suédois d'alcool blanc que Bamberg destinait, à l'origine, à purifier les plaies. Le duc laissait faire, il n'avait que la mort à proposer à ces hommes...
    Bamberg observa avec tendresse le cornette Antoine du Plessis-Quenouille qui dormait la tête appuyée contre un tambour crevé. Au début de la campagne, il avait adressé au tout jeune homme une sévère mercuriale car il s'était présenté avec des éperons acérés à molettes, équipement qui ne correspondait pas aux traditions du Maine-Dragons où l'on aimait et respectait infiniment les chevaux.
    Bamberg, toujours appuyé contre le canon explosé, songea au capitaine de Mangeot mort sous ses yeux et enterré à une quinzaine de mètres. Ils menaient à cheval une incursion, toujours à la recherche de vivres, lorsque de Mangeot fut décapité par un boulet, la tête emportée à trente pas.
    Le duc soupira. Ici, on se trouvait à la dernière extrémité, las de tout et peut-être même de vivre. Tout eût été supportable, sans doute, n'était ce sentiment d'être abandonné. La peur de l'abandon hante la vie de certains hommes et, venue de l'enfance, elle ne repart jamais avec elle. Il manquait d'arguments pour continuer à vivre n'étaient Marion, Marie-Thérèse, Scrub, les camarades, mais il y avait tant de morts, dans sa vie, qu'il se sentait attiré par eux, ce qu'il appelait « l'autre côté ».
    Et le dur siège qu'il subissait ne risquait pas de lui redonner goût à la vie.
    Parfois, pour repousser les assauts des coalisés, on enchainait à une telle cadence les feux de salve que Bamberg dut ordonner de pisser dans le canon des mousquetons pour les refroidir puis de les sécher en brûlant un peu de poudre.
    Les uniformes, couverts de boue, de sang et de poudre, étaient en loques, y compris celui du général, et l'on ne distinguait plus la couleur des rubans de ses hautes décorations.
    On n'avait jamais abattu les chevaux mais mal protégés, beaucoup avaient été tués par l'artillerie et certains dragons mangèrent leur chair en pleurant.
    Tout cela ne pouvait plus durer.
    Quarante-cinq jours !
    Et cette évidence qui bouleversait les assiégés : l'ennemi manifestait pour eux le plus profond respect mais l'armée royale, la leur, les abandonnait tels des enfants qu'on perd au coin d'un bois.
    Bamberg caressait Scrub, devenu squelettique et qui chaque nuit, pour protéger son maître, se battait contre d'énormes rats qui l'avaient en plusieurs endroits cruellement mordu. Au milieu des tombes improvisées, avec ses croix de guingois là où gisaient les soldats français, peut-être se croyait-il revenu à son ancienne vie de gardien de cimetière, quand on l'appelait « le chien des morts »?
    Mais le plus étonnant, en tout cela, était que les officiers et les dragons tenaient bon, influençant en le bon sens le carré de gardes-françaises qui avait choisi de se battre jusqu'au bout.
    À peine ironisait-on sur l'aide de Villeroi. On l'avait attendu à Noël, puis au Nouvel An, à l'Épiphanie, en vain. On la pronostiquait donc pour Mardi-Gras, les Cendres, la mi-Carême ou Pâques...
    Bamberg se savait admiré de ses hommes, « adulé » disait Hugo, tant en raison de ses qualités militaires que pour son attitude, mangeant comme eux du pain dur comme le bois et, pour la soif, suçant des glaçons. Lui aussi dormait sur le sol glacé et trempé, simplement enveloppé dans son manteau rouge. Il savait qu'en sa troupe on l'appelait « le paladin », et il est peu d'expressions aussi flatteuses. Mais savaient-ils combien, en retour, il les aimait et admirait?
    Pour eux, un instant, il envisagea la

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