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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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emportant les corps. Puis, les regards se tournèrent vers Bamberg. Marion avec appréhension, car elle craignait pour lui. M. de Fontenelle, colonel du régiment, avec curiosité. Les officiers du régiment de Penthièvre, enfin, très choqués, qui espéraient des représailles.
    Voyant Bamberg comme perdu en un rêve, Fontenelle s'approcha :
    — Il est détestable d'imaginer que ce Lord Melfox, à la faveur de la guerre et de ses désordres, pourrait échapper à un juste châtiment.
    Bamberg redressa vivement la tête :
    — Oh ! mais il n'échappera pas au châtiment, ayant sur les mains le sang de nos frères.
    — La forêt est si vaste...
    — Pour Melfox, le monde entier serait trop petit.
    — Vous semblez si sûr de vous...
    Le général de dragons se mit en selle et répondit d'une voix tranquille:
    — Dans dix minutes, ils seront tous prisonniers. Tous !
    Quelque chose de glacé étreignit tous les coeurs.

53.
    Augustin de Nestoc dit le Feu Follet parlait très peu à ses camarades mais savait écouter.
    Ainsi Bamberg s'en était tout de même tiré !
    Inattendu, très inattendu !
    L'homme capable d'organiser un si remarquable repli dans des conditions aussi périlleuses, cet homme était dangereux. Tant mieux : à redoutable gibier, terrible chasseur !
    À peine arrivé, disait-on, Bamberg, épuisé, s'en était reparti au motif qu'il n'avait point son compte de dragons, qu'il devait chercher les manquants et, au passage, ne doutant de rien, secourir des mousquetaires venus l'aider et se retrouvant eux-mêmes encerclés.
    Mais en quel monde vivait-il, celui-là ? Un chef, petit ou grand, revient en ses lignes et ne s'inquiète point des pertes sinon où irait-on ? Quoi qu'il en soit, il risquait, cette fois, de ne point revenir car la forêt se trouvait pour les 4/5 sous le contrôle des coalisés.
    Nestoc estima que ce serait grand dommage que Bamberg fût ainsi tué car cette fois, comme le renard sent qu'il trouvera des victimes dans un poulailler mal défendu, il devinait qu'il aurait le général des dragons au bout de son étrange fusil si d'aventure le duc s'en revenait vivant.
    Cette certitude absolue lui venait de la part de sauvagerie qu'il avait installée en lui, la cultivant telle une fleur vénéneuse et sans cesse croissante. Jour après jour, il avait étouffé en sa conscience tout sentiment d'humanité, de compassion ou de charité. Dix ans de travail avec des débuts... modestes !
    Il rit en y songeant, tant cela lui paraissait aujourd'hui puéril : coup de pied dans les cannes d'un infirme, poing ganté de pointes d'acier s'écrasant sur le visage d'une très vieille femme, petit garçon croisé sur une route de campagne et châtré avec une cordelette d'acier... Enfantillages! Mais à ce régime, on se durcissait pour en arriver à tuer sans passion, avec indifférence et froideur et c'était là le meilleur moyen de n'être jamais pris. Cruauté contre pitié, sauvagerie contre gentillesse.
    Ah, la gentillesse, cette imposture qui berça ses premières années. Monsieur son père, un homme de bien laissant toujours au château la porte des cuisines ouverte aux malheureux. Et Madame sa mère l'approuvant en toutes choses. Douceur et tendresse, caresses et paroles d'amour : de fait, il fut heureux au point d'en frémir, en y songeant, si longtemps après. Mais son père était mort, en trois jours, emporté par les fièvres. Et sa mère changea, devint sèche et rude, le repoussant... pour se blottir dans les bras infects de son garde-chasse puant et brutal qui le battait comme plâtre, le laissant en pleurs et, au début, dans l'incompréhension de ce monde nouveau et ignoble.
    — La vieille bique et son bouc! murmura-t-il, lèvres retroussées par la haine. Ces deux-là, il était bien décidé à les saigner lorsque, fortune faite, il serait sur le point de quitter le royaume des lys à tout jamais.
    Mais avant la bique et le bouc, une proie de choix l'attendait, un loup nommé Bamberg.
    *

    — Ils sont bien quatre ou cinq cents... murmura le colonel de Fontenelle.
    — Ils sont trois cent vingt-trois ! répondit Bamberg et l'officier supérieur du régiment de Penthièvre ne douta pas un instant que malgré la nuit noire à peine éclairée de loin en loin par les lueurs fantomatiques des fusées vertes, le duc avait eu le temps de compter une à une ces silhouettes obscures.

    — Que faisons-nous ? demanda le colonel.
    — N'avez-vous point remarqué ? Les Anglais ont

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