Le Conseil des Troubles
tête.
Le gros des forces de Bamberg installé en barrage face à la forêt avait dû repousser l'attaque car à présent des dragons couraient, sabre à la main, pour donner la chasse aux derniers loups infiltrés dans le village.
Ils revinrent quelques minutes plus tard, un camarade sur les épaules et les sabres rougis dégoulinant de sang sur la neige immaculée.
Déjà, les notes claires de la trompette appelaient au rassemblement.
1 Les famines et épidémies de 1693-1694 allaient provoquer la mort de 1,3 million de Français.
2 Besançon, paroisse de la Madeleine.
3 Spectre ou fantôme, « Moine-Bourrue » aurait été « une âme en peine qui court les rues de Paris pendant les avents de Noël et qui frappe les passants ».
61.
Près de quatre jours furent nécessaires à la colonne de dragons pour rallier Paris, ville demi-morte sous une épaisse couche de neige.
Voyage assez triste, au reste, tant l'épisode de l'attaque du village par la meute de loups marquait les esprits. Deux dragons, désignés pour garder l'enclos, avaient été tués et leurs cadavres horriblement mutilés. À quoi s'ajoutait la mort de deux enfants, un villageois et trois chevaux, tandis que quatre autres avaient disparu.
Il s'avérait très difficile pour Bamberg, tant il neigeait, de faire le tour des casernements de ses dragons en les villages proches de Paris. On réquisitionna donc pour la troupe une caserne proche de Saint-Étienne-du-Mont, quartier Mouffetard, habituellement occupée par des gardes-françaises actuellement à la guerre en Flandres.
Les jours suivants furent calmes et pour Bamberg, heureux. À l'invitation de Marion qui détestait l'hypocrisie, il était venu loger à Auteuil en la modeste maison de la jeune femme.
Cependant, dès le premier soir, Bamberg confessa à la baronne qu'il devait lui « parler d'une chose importante », ce qu'il finit par faire. Rosissant légèrement, il lui expliqua que quittant l'armée, et disposant bientôt de tout son temps, il serait le plus heureux des hommes s'il pouvait la prendre pour épouse et qu'elle fût duchesse de Montigny-Bamberg. Il n'en avait pas achevé de dire cela qu'elle se pendait à son cou et le couvrait de baisers.
Le jour suivant, on invita le marquis de Pontecorvo et le baron de Mortefontaine, ce qui permit à tous d'y voir plus clair. La réussite de la soirée fut facilitée par le fait que Marion ne se rendait au théâtre qu'un jour sur trois, la plupart des représentations étant annulées en raison des fortes chutes de neige. D'autre part, avec son nouveau traitement de général, Bamberg avait pu faire quelques frais de table et le repas fut excellent d'autant que la soirée avançant, et tandis qu'on apprenait à se mieux connaître, on s'apprécia grandement.
Deux jours plus tard, vingt centimètres de neige étant tombés, le théâtre fit relâche et Bamberg invita son cousin Hugo et son ami Clément. Cette fois encore, on s'amusa beaucoup mais Hugo ayant soufflé à Bamberg que Clément et lui avaient fait la connaissance de deux soeurs fort jolies et qu'ils souhaitaient ne pas trop s'attarder, le général écourta généreusement la soirée.
Bamberg s'habituait très vite à cette nouvelle vie et commença à rédiger des projets de lettres afin d'annoncer au roi qu'il « envisageait » de solliciter un congé définitif. Cependant, il peinait sur les termes et les formules, non qu'il craignît le courroux du souverain mais bien plutôt de le chagriner alors qu'il s'était montré fort généreux avec lui.
Enfin, le vendredi soir, Bamberg et Marion furent conviés en l'Auberge des deux colombes par Pontecorvo et Mortefontaine qui rendaient ainsi l'invitation. L'auberge se situait rue du Pont-aux-Biches, sise à proximité de Saint-Martin-des-Champs et se singularisait en ceci que le premier étage avait été aménagé en cabinets particuliers, si bien que les quatre amis pouvaient se parler en toute tranquillité.
Le repas fut d'un grand raffinement : huîtres, laitance de carpe, soles qu'on appelait aussi « perdrix de mer » et turbot mené le matin par les « chasse-marée » venus de Picardie. Puis vint une succulente fricassée de poulet au roux garnie de champignons, culs d'artichaut et parfumé de cerfeuil, muscade et ciboulette. Pour « sceller l'estomac », ainsi qu'on disait alors, on goûta le brie, fromage préféré du roi, mais aussi du cantal et du sassenage. On acheva délicatement par des douceurs,
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