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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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des pièces d'or, les parents devinrent beaucoup plus aimables. Bamberg et ses amis, écoeurés, quittèrent rapidement les lieux.
    En bas, à dix mètres du cimetière, se trouvait le cabaret de L'Âne fou et l'on y fit halte pour commander un repas, patientant avec trois verres de vin de Hongrie. Ainsi, on tentait de ne pas songer que la route serait longue d'ici Versailles, longue et dangereuse car partout prenait le verglas.
    La salle était sombre, froide et basse de plafond.
    Assis à une table près de l'entrée, les trois officiers se trouvaient les seuls clients, à l'exception d'un vieil Anglais demi-ivre qui parlait tout seul.
    Bamberg, que la fatigue ne semblait pas toucher, lança :
    — Demain, j'irai seul pour la dernière visite.
    — Nous viendrons avec toi !... répondit Hugo en grimaçant car le vin, quoique de bon arrière-goût, se présentait en l'abord assez rugueux.
    — La chose ne se discute pas, Hugo. Sans mon retard... dont vous connaissez la cause, nous en aurions fini dès ce soir avec ces visites.
    Clément de La Mothe-Sislées, un peu rêveur, constata :
    — Tout de même, pour les parents du petit, ceux que nous venons de voir, la vie ou la mort de leur enfant, c'est égal. Quand je pense qu'il a rendu le dernier souffle en appelant sa mère...
    Bamberg et Worden, baissant la tête, revirent la scène. Et pensèrent à Clément, gentilhomme breton, bien mauvais chrétien qui, dans les instants de douleur, invoquait les anciens dieux, ceux du soleil, de la lune, des torrents, des forêts et du vent. Si bien que les hommes disaient de lui qu'il était un peu sorcier.
    On commanda le souper, un potage au fromage, du veau rôti aux aromates et une tarte aux pommes.
    On finissait le dessert lorsqu'une voiture s'arrêta devant le cimetière tandis que quatre hommes, silhouettes furtives, en descendaient.
    Dans un cri rageur, le tenancier lança :
    — Regardez cette honte, ils ne se cachent même plus !
    Voyant les hommes s'approcher des tombes, Worden lança :
    — Qui sont-ils ?
    Le tenancier s'approcha :
    — Ceux-là étudient la médecine et viennent souvent la nuit déterrer un mort frais, parfois du jour, pour le voler.
    — Voler des cadavres ? répéta Clément, interloqué.
    L'aubergiste tira une chaise :
    — Ah, messieurs les officiers, si vous saviez!... Un de ces voleurs m'a un jour expliqué qu'un anatomiste revend à ses étudiants les corps le double ou le triple de ce qu'il paye par privilège. On peut aussi acheter des corps à Bicêtre ou à la Salpêtrière, mais c'est encore trop cher. Alors on vole les cadavres.
    — Et ils l'emportent ainsi ? demanda Worden.
    — Regardez la voiture à deux chevaux et le cocher qui attend. Celui-là, qui promène un cadavre, se fait bien payer. Et savez-vous? Une fois la charogne disséquée, on jette les morceaux, les organes décomposés, sur un tas de fumier puis on se chauffe l'hiver avec la graisse du cadavre.
    Bamberg, assez choqué, demanda :
    — Et nul ne garde le cimetière ?
    — Un gardien doit arriver, mais on l'attendait déjà pour le dimanche de la Passion. L'ancien a disparu, fatigué de prendre des coups, bien qu'il fût ancien soldat. Il avait dressé un chien, hélas trop petit, et lui est resté, seul à défendre les tombes : c'est « le chien des morts » et tout le monde le trouve utile mais nul ne le nourrit si bien qu'il partira lui aussi, ou, plus certainement, sera tué.
    On entendit aboyer furieusement. Les trois officiers, le tenancier et le vieil Anglais tournèrent la tête en même temps vers le cimetière et la forêt de croix, beaucoup se trouvant de guingois.
    L'Anglais, ivre, lança d'une voix sinistre :
    — Poor old Fellow!... Ouâh, ouâh!
    Bamberg, qui sentait monter en lui une violente colère, grommela :
    — Quatre contre un pauvre chien, il n'y survivra pas alors qu'il accomplit une noble mission !
    L'aubergiste secoua la tête, l'air dubitatif :
    — Ah, voyez-vous, ce chien est petit mais tout de même redoutable car il s'élance toujours pour mordre aux couilles. Plus d'une fois, j'ai entendu des hurlements de douleur à vous fendre le coeur, et c'étaient des hurlements humains.
    Bamberg, amusé, se leva :
    — Décidément, ce chien me plaît qui se lance ainsi dans des combats désespérés où les chances ne sont point égales. Je m'en vais l'aider.
    — Nous t'accompagnons ? demanda Worden.
    — Non, quatre voleurs, j'y suffirai.
    Le général allait franchir la porte lorsque

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