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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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comme quelqu'un qu'on vient de prévenir et qui se trouve en grand émoi, une forte femme blonde apparut et demeura pétrifiée devant Bamberg avant de murmurer en s'approchant :
    — Mon Dieu!
    Avec cette raideur qui le prenait toujours lorsqu'il saluait les dames, Bamberg joignit les talons en un claquement sonore et s'inclina légèrement en se présentant très complètement, comme en usage dans la cavalerie :
    — Tancrède de Montigny, duc de Bamberg, général, chef de l'escadron des Opérations Spéciales au Maine-Dragons.
    — Mon Dieu ! répéta la femme en observant sur la poitrine du duc ses hautes décorations.
    Assez mal à l'aise devant l'admiration de cette femme et celle, muette mais palpable, des clients attablés, et que tout cela se déroulât devant la baronne, le duc s'éclaircit la voix :
    — Madame, je cherche ici un vieil ami qui a nom Grégoire Galland et fut capitaine au Maine-Dragons voici encore cinq ans.
    Un instant, les yeux de la grosse femme blonde se voilèrent :
    — Hélas, monsieur le duc, Grégoire est mort au jour du Saint-Sacrement de 1690, emporté par la petite vérole, cette chienne qui passe quelquefois en trois jours ou se montre mortelle. Il souffrait aussi d'hydropisie et ne s'était pas remis d'un refroidissement de poitrine et de fluxions sur les dents qu'il soignait en y mêlant un mélange de tabac tandis que pour la petite vérole, refusant le médecin, il se soigna selon le vieux remède de sirop de lierre, lait d'ânesse, bouillon de coeur de poulet et foie de tortue. Cela ne le guérit pourtant point.
    — C'était en effet peu probable... remarqua Bamberg avec un ton de neutralité.
    Elle s'approcha plus près encore, considérant Bamberg avec de grands yeux fervents :
    — Ah, monsieur le duc, il eût été si heureux de vous voir en notre auberge et combien de fois racontait-il comment, alors qu'il était perdu avec quatre dragons, vous étiez revenu le sauver à la bataille de la colline du Tombeau de Marie Léanate.
    Bamberg hocha la tête, souriant vaguement :
    — Oui, je me souviens, et de cette colline avec le tombeau de cette actrice, Marie Léanate, construit en marbre par un inconsolable époux...
    Il demeura un instant songeur puis, se reprenant :
    — Madame, je ne connais point Paris, ou à peine, et ayant envisagé d'y souper ce soir, nous avions songé venir chez vous et mon regretté Galland car Aux Dragons du Maine je me sens un peu comme au pays.
    La grosse femme, un instant effarée, chassa avec ses mains dodues devant son visage des papillons imaginaires :
    — Mais certainement, et c'est à la fois un plaisir et un honneur !
    Bamberg se sentit brusquement libéré d'un grand poids bien que la mort de Galland l'eût grandement peiné : passer à travers tant de combats et se trouver emporté par une maladie qui souvent disparaît seule en quelques jours paraissait un grand gâchis.
    Mais la baronne !
    La menant ici, il ne s'attendait pas à pareille réception et avait longtemps craint de ne pouvoir souper : se retrouver avec elle dehors l'eût sans doute ridiculisé à tout jamais.
    Ayant à présent l'esprit libre, et tandis qu'on desservait pour eux une table près du feu, il prit le temps, ce qu'il n'avait point fait jusqu'ici, de regarder tous ces visages tendus vers lui.
    Et il chancela de surprise en reconnaissant, pour la plupart, des hommes qui avaient servi sous ses ordres.
    Un large sourire aux lèvres, il s'écria :
    — Mais vous êtes tous là !
    Puis, oubliant un instant la baronne, il alla de table en table vers des hommes émus qui se levaient tandis que serrant de rudes mains, il lançait des noms qu'il n'avait pas oubliés :
    — Poincelet ! ... Doyasbère!... Garcia ! ... Lequeux! Ah, Depalmas !... Sergent Deforge !... Larraun !...
    Entouré d'une vingtaine d'hommes, le général disparut un instant aux yeux de la baronne attendrie. Puis, l'air désolé, il revint vers elle et, en une attitude de défense un peu ridicule, comme si c'était la seule chose qu'il savait faire, il claqua des talons en s'inclinant :
    — Je suis terriblement désolé!... J'ai conscience, madame, que je viens de me bien mal conduire et ma seule excuse est l'émotion que me causent tous ces vieux souvenirs, tous ces chers visages...
    Un très court instant, elle lui saisit les mains :
    — L'émotion fut partagée et tout cela m'apprend que vous êtes un chef très aimé de ses hommes ce qui, d'après ce que j'entends d'habitude, n'est point

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