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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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n’était plus
certaine de pouvoir franchir. N’eussent été sa timidité et sa crainte de
s’imposer, elle aurait frappé à la première porte pour demander du secours.
Mais elle préférait s’acharner contre les éléments plutôt que de quémander. À
son âge, elle considérait qu’elle avait été en situation de demandeuse assez
souvent. Elle s’était juré que plus jamais elle n’aurait besoin d’aide ou qu’à
tout le moins plus jamais elle n’en demanderait pour elle-même. Si sa mère
avait réussi à s’y faire, elle ne plierait plus.
    Elle continua donc de marcher, le froid
engourdissant le mal qu’il créait. Elle aperçut enfin l’école et tenta
d’accélérer le pas. Mais ses jambes refusèrent de suivre sa volonté. L’école ne
sembla pas se rapprocher pendant les vingt minutes qui suivirent. Blanche crut
qu’elle était devenue le jouet d’une illusion quand enfin elle put mettre le
pied sur la première marche de l’escalier. Elle parvint enfin à la porte et se
dégagea de la bandoulière de son sac. Avec ses dents, elle enleva sa mitaine
droite pour trouver la clef de l’école qu’elle avait lancée quelque part dans
le fond du sac. Sa main, bleuie et blanchie par le froid, refusa d’obéir. Elle
souffla sur ses jointures pour les réchauffer et recommença son manège. Elle
toucha enfin la clef et réussit à la prendre. Elle tenta de l’introduire dans
la serrure mais le froid lui avait enlevé toute sa dextérité. Elle s’acharna
pendant d’interminables minutes figées dans le temps avant de se laisser
glisser par terre, le dos contre la porte, des
larmes de désespoir, ressemblant à celles de Rolande, lui secouant les épaules
et tout le corps, mêlant frissons et chagrin.
    Elle résista péniblement au sommeil qui
l’attaquait, sachant que le sommeil de la froidure pouvait la tuer. Elle se
releva, tremblant toujours, mais eut enfin la main heureuse. La clef grinça
dans la serrure gelée. Usant de tout le poids de son corps, elle la fit tourner
et la porte s’ouvrit enfin, d’abord avec hésitation puis avec rage devant
l’assaut du vent qui, lui aussi, venait de découvrir un coin de chaleur.
    Blanche monta à l’étage, enleva son manteau
glacé, le lança sur la table, incapable de le suspendre. Elle marcha jusqu’au
poêle presque éteint, y mit deux bûches et versa dans un seul chaudron tout ce
qu’il restait d’eau. Aussitôt l’eau tiédie, elle s’y trempa les mains. Dès que
ses mains eurent repris un peu de mobilité, elle trouva un linge qu’elle trempa
pour s’en couvrir la figure mais surtout les oreilles qui maintenant
bourdonnaient de douleur.
    Elle avait encore la tête presque couverte
lorsqu’elle crut entendre frapper à la porte. Elle ne bougea pas. Elle entendit
frapper une seconde fois. Elle se leva péniblement, se dirigea vers la fenêtre
pour voir si elle n’apercevrait pas quelqu’un mais ne vit rien. S’armant de
courage en pensant que quelqu’un pouvait, comme elle, être pris dans la
tourmente, elle descendit et ouvrit à un inconnu givré qui tenait un autre
homme sous les bras.
    – Est-ce que vous êtes la sœur de
Clément ?
    – Oui.
    Blanche releva la tête qui ballottait sur
l’épaule du garçon – ce n’était pas encore tout à fait un homme – et reconnut
Clément. Elle ouvrit toute grande la porte pour les laisser entrer.
    – Je m’appelle Léon Rheault. Clément pis
moi…
    Léon ne finit pas sa phrase. Il venait de
s’évanouir sur le plancher, entraînant Clément dans sa chute. Blanche poussa un
petit gémissement. Elle essaya d’abord de relever son frère mais, trop faible
elle-même, elle abandonna. Le vent s’engouffrait encore par la porte. Elle
sortit, prit de la neige qui brûla davantage ses mains encore gelées et, après
avoir péniblement dégagé le collet de Léon, mit la neige sur son cou. Léon ne
broncha pas. Elle recommença trois fois, sous le regard absent de Clément. Léon
ouvrit un œil. Elle ferma la porte et monta chercher des couvertures et des
oreillers. Il lui faudrait attendre que son frère et son compagnon se remettent
seuls sur pied. Elle enleva leurs manteaux, peinant à cause des boutonnières
que le froid avait figées. Y parvenant enfin, elle couvrit les deux garçons et
ressortit faire provision de neige.
    Ils purent enfin boire un thé, grelottant
encore malgré la chaleur qui les entourait. Clément, lui, était transi, des
frissons de fièvre

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