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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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connaissions, osa me toucher en me prenant par le coude et en m’approchant du fauteuil où était demeuré immobile l’inconnu, qui leva la tête, un peu effrayé, en nous voyant avancer vers lui.
    — Permettez-moi de vous présenter le professeur Farag Boswell…
    Ce dernier se leva si rapidement que la poche de sa veste se retrouva coincée au bras du fauteuil et freina son mouvement. Il lutta contre la poche, la libéra enfin et, après avoir ajusté ses lunettes rondes sur son nez, fut capable de me regarder avec un sourire timide.
    — Professeur, je vous présente Ottavia Salina, religieuse de l’ordre de la Bienheureuse Vierge Marie.
    Le professeur Boswell me tendit une main prudente que je serrai sans grande conviction. C’était un homme très séduisant, d’une trentaine d’années, aussi grand que le capitaine et habillé de manière informelle : pull bleu, veste de sport, pantalon beige large et froissé, bottes sales et usées. Il clignait nerveusement des yeux en essayant tant bien que mal de me regarder bien en face, ce à quoi il ne parvenait pas toujours. Il présentait un type curieux. Il avait la peau mate et des traits orientaux, mais ses cheveux longs étaient châtain clair et ses yeux d’un bleu intense. Bref, il me plut au premier coup d’œil. Je ne sais si ce fut sa maladresse ou sa timidité, mais je sentis aussitôt envers lui un élan de sympathie dont je fus la première surprise.
    Nous prîmes place autour de la table présidée maintenant par le cardinal Colli. Je mourais d’envie de savoir ce qui se passait, mais décidai d’adopter une attitude de parfaite indifférence. En fin de compte, si je me trouvais là, c’est parce qu’ils avaient besoin de moi de nouveau. Et ils m’avaient trop fait souffrir pour que je m’abaisse à leur demander des explications… En parlant d’explications, mon ordre savait-il où je me trouvais actuellement ? Je me rappelai alors qu’on n’avait envoyé personne pour m’accueillir à l’aéroport, mes supérieures devaient donc être au courant, et je pouvais les bannir de mes pensées.
    Le capitaine prit la parole :
    — Comme vous pouvez le supposer, commença-t-il avec sa voix de baryton, les choses ont pris un tour inattendu.
    Il se pencha alors vers le sol et souleva sa sacoche de cuir. Il l’ouvrit lentement, et en sortit un objet volumineux enveloppé dans un tissu blanc. Si j’attendais des excuses ou un geste de conciliation, j’étais servie. Tous regardèrent le paquet comme s’il s’était agi du joyau le plus précieux du monde, et le suivirent des yeux tandis que le capitaine le faisait glisser doucement sur la table. Il s’arrêta juste devant moi et je ne sus que faire. Je crois que tout le monde retenait son souffle, à part moi.
    — Vous pouvez l’ouvrir…, m’invita, tentateur, le capitaine.
    Beaucoup de pensées traversèrent alors mon esprit, toutes à une vitesse vertigineuse, et sans beaucoup de cohérence. J’étais sûre d’au moins une chose : si j’ouvrais ce paquet, je me transformerais de nouveau en un vulgaire instrument corvéable et jetable. Ils m’avaient fait revenir parce qu’ils avaient besoin de moi, mais voilà, moi, je ne voulais plus collaborer.
    — Non, merci, dis-je en repoussant le paquet vers Glauser-Röist Cela ne m’intéresse pas du tout.
    Le capitaine se laissa aller sur son fauteuil et ajusta le col de son veston d’un geste sec. Puis il me regarda d’un air de reproche :
    — Tout a changé, professeur Salina, vous devez me croire.
    — Et auriez-vous l’amabilité de me dire pourquoi ? Si je me souviens bien, et j’ai une excellente mémoire, la dernière fois que je vous ai vu, il y a exactement huit jours, vous avez quitté mon bureau en claquant la porte. Le lendemain, j’étais renvoyée. Quelle coïncidence, n’est-ce pas ?
    — Laisse-moi lui expliquer, Kaspar, intervint soudain monseigneur Tournier en levant une main pour calmer Glauser-Röist tandis qu’il se tournait vers moi. (Il prit un ton mélodramatique, de fausse contrition.) Ce que le capitaine ne voulait pas vous révéler, c’est que… je suis le seul responsable de votre licenciement. Oui, je sais, c’est dur à entendre (en effet, pensai-je, le monde n’est pas prêt à entendre que monseigneur Tournier a fait quelque chose d’incorrect), mais le capitaine avait reçu des ordres très stricts… de ma part, dois-je reconnaître. Quand vous lui avez avoué que vous

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