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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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dans le canal du Tibre. En nous laissant glisser sur le terre-plein, nous pouvions atteindre un escalier qui se trouvait à environ dix mètres sur notre droite. Je me souviens de tout cela comme d’un rêve lointain et diffus, sans nuances. Je sais que je l’ai vécu, mais la fatigue me maintenait dans un état de léthargie.
    Beaucoup plus loin, à notre gauche, nous vîmes le pont Sixte. Nous étions donc à mi-chemin entre le Vatican et Sainte-Marie in Cosmedin. Les herbes et les détritus accumulés sur la pente freinèrent notre descente. Au-dessus, les lumières des réverbères de la rue et la partie supérieure des élégants édifices du quartier représentaient une tentation irrépressible qui nous poussait à continuer malgré la fatigue. Nous pataugeâmes un peu dans l’eau avant d’atteindre les marches. Comme il n’avait pas plu ces derniers mois, le fleuve avait peu de force. Mais le capitaine avait du mal à se réveiller. Il paraissait ivre et coordonnait mal ses gestes.
    Quand nous débouchâmes enfin à la rue, mouillés, atterrés, épuisés, la circulation du Lungotevere et la normalité de la ville à cette heure tardive nous firent sourire de joie. Deux joggers nocturnes, de ceux qui enfilent un caleçon court et un tee-shirt blanc pour aller courir après le travail, passèrent devant nous sans cacher leur stupéfaction. Nous devions offrir un aspect lamentable.
    Je tins le capitaine par les bras et nous nous approchâmes du bord du trottoir pour arrêter, de force si cela devait s’avérer nécessaire, le premier taxi qui se présenterait.
    — Non, non…, murmura Glauser-Röist avec difficulté. Traversez la rue par le passage piéton, j’habite en face.
    Je le regardai, étonnée :
    — Vous vivez dans le Lungotevere dei Tebaldi ?
    — Oui, au numéro… numéro 50.
    Farag me fit signe de ne pas le fatiguer davantage, et nous nous dirigeâmes vers le passage piéton. Sous le regard étonné et scandalisé des conducteurs arrêtés, nous traversâmes la rue pour arriver devant un magnifique portail. Je cherchai la clé dans la poche de la veste du capitaine et un bout de papier trempé tomba par terre.
    — Que se passe-t-il ? me demanda Glauser-Röist en me voyant m’attarder devant la porte.
    — J’ai fait tomber un papier de votre poche, capitaine.
    — Faites voir, dit-il.
    — Plus tard, Kaspar. Quand on sera chez vous, déclara Farag.
    Je glissai la clé dans la serrure et ouvris la porte. Le hall, élégant et spacieux, était éclairé par de grandes lampes qui se reflétaient sur les murs tapissés de miroirs. Au fond se trouvait l’ascenseur, en bois verni et fer forgé. Le capitaine devait être très riche s’il disposait d’un appartement dans cet immeuble.
    — Quel étage, Kaspar ? demanda Farag.
    — Le dernier… J’ai envie de vomir…
    — Non ! Attendez, on y est presque.
    Le capitaine se retint dans l’ascenseur mais, une fois chez lui, se dégagea brusquement pour se précipiter dans le couloir obscur. Nous l’entendîmes vider son estomac.
    — Je vais le voir, dit Farag tout en allumant les lampes. Cherche le téléphone et appelle un médecin. Je crois qu’il va en avoir besoin.
    Je parcourus l’ample salon avec le sentiment d’envahir l’intimité du capitaine Glauser-Röist. Il n’y avait pas d’homme plus réservé que lui, plus silencieux et prudent quant à sa vie privée. Il n’aurait probablement pas laissé entrer des étrangers chez lui. Jusque-là, j’avais toujours cru qu’il vivait dans la caserne des gardes suisses. Il ne m’était pas venu à l’idée qu’il pût avoir un appartement en ville ; pourtant, quoi de plus normal étant donné son grade ? Si les simples hallebardiers devaient résider au Vatican, leurs supérieurs, eux, n’y étaient pas obligés. Il n’en restait pas moins étrange qu’un homme à qui je supposais de maigres revenus, la mesquinerie du salaire de la garde suisse étant connue, pût posséder un appartement aussi élégant dans un quartier aussi chic, meublé et décoré avec un goût évident. Je découvris le téléphone dans un coin, près des fenêtres, à côté de l’agenda du capitaine. Sur la même table était posée la photo d’une jeune fille dans un cadre argenté. Elle était très jolie, portait un bonnet de neige coloré et avait les yeux et les cheveux bruns. Elle n’était donc pas de sa famille. C’était peut-être sa fiancée ! Je souris. Ce serait une

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