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Le Dernier mot d'un roi

Le Dernier mot d'un roi

Titel: Le Dernier mot d'un roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Moustiers
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discours de la succession, en somme lui confier son testament. Anne ne cache pas sa fierté d’avoir été choisie comme témoin, mais, pour l’instant, son souci est ailleurs. Elle ne s’inquiète que de la régence. Le roi, menacé par la mort, doit régler cette question : « Il m’a pressentie pour cette charge, mais n’a pas arrêté sa décision. Je ne saurais sans vergogne lui en parler. Pierre peut le faire, lui. » Elle attend son réveil.
     
    Ils achevaient leur toilette quand Sauveterre est venu les appeler au nom du roi et ne leur a donné que le temps de s’habiller. On ne peut se fâcher contre un homme aussi grand, aussi tranquille. Son sourire imperceptible désarmerait un soudard, attendrirait un menhir.
    Louis XI, coiffé d’un bonnet, les reçoit dans son lit. Ils sont assis côte à côte devant lui, Anne à gauche, Pierre à droite. La fenêtre ouverte laisse entrer un flot de soleil et les aboiements d’un chien. Le roi, les mains à plat sur le drap, la tête soutenue par un énorme oreiller, parle avec douceur :
    — J’ai toujours été pressé par le temps. Il m’a fallu attendre trente-huit ans pour régner. Le destin m’a condamné à l’impatience, alors que la nature m’a doté d’une patience infinie. Je tisse ma toile comme le prétendent ceux qui m’aiment.
    Il tousse, ferme les yeux et frotte ses paupières rouges avec les poings. Il craint de se fatiguer en débitant des évidences. Il reprend d’une voix étouffée :
    — Dans une heure, nous verrons comment le dauphin nous écoutera. Son attitude et ses réponses nous diront s’il a l’étoffe d’un chef. Notez bien, nos conclusions n’auront pas grande signification. On ne devient roi qu’en exerçant ce métier. Le trône nous fait ce que nous sommes. J’en sais quelque chose.
    Il ne dit là qu’une part équivoque de la vérité. Dauphin, il se prenait déjà pour un roi. Pierre lève la main pour intervenir :
    — C’est une grande vérité, Sire, mais je ne souhaite pas qu’elle s’applique à Louis d’Orléans. Sur le trône, il pourrait se piquer au jeu et cesser d’être un jeune homme.
    — Mais que me chantes-tu là ? Il n’a aucune chance de monter sur le trône, réplique Louis avec humeur.
    — Évidemment, Sire. Pardonnez-moi. Je n’ai pas su mesurer mes paroles. Louis d’Orléans n’a pas assez de caractère ni de volonté pour cela. Comment pourrait-on le craindre ou le haïr ?
    — Je crains les hommes puérils, car leur sottise est imprévisible. Maintenant, écoute-moi bien, Pierre. Je ne hais personne. Il y a seulement des obstacles à lever, des êtres qui me gênent. Louis d’Orléans me gêne. Ce n’est pas sa faute et je ne lui veux aucun mal. Mais il est là sur mon territoire, avec son duché qui coupe en deux les pays de la Loire. Le domaine royal doit former un tout, sans la moindre faille.
    — Il faudrait, devant témoins, qu’il renonçât lui-même à la régence.
    — Mais il n’aura pas l’occasion de renoncer. On ne lui demandera rien. C’est Anne qui assurera la régence.
    — J’entends bien, Sire. Mais s’il renonçait lui-même, nous serions plus tranquilles.
    — Et toi, Anne, tu ne dis rien ?
    — Je pense comme Pierre, Sire.
    Mis à part les gardes armés, au nombre de dix, vingt personnes sont assemblées dans la grande salle du château d’Amboise, située au troisième étage et réservée aux cérémonies. Attablés autour du roi qu’enveloppe une robe de soie cramoisie, on remarque Anne et Pierre de Beaujeu, Ymbert de Batarnay, le maréchal de Gié Pierre de Rohan, Jean de Doyat gouverneur de l’Auvergne, Bertrand de Beauvau comte du Maine, Olivier Guérin maître de l’Hôtel royal, Pierre Parent secrétaire du roi, et l’archevêque François Halle, président de l’Échiquier de Normandie.
    Debout, face à la table, le regard fixe et les pieds joints, se tient le dauphin. Assisté de son gouverneur Jean Bourré et de huit officiers de sa maison en tenue de respect, il paraît plus léger encore et plus petit que d’habitude. Au lieu de lui donner de l’importance et de le grandir, le velours et l’or de son costume soulignent sa nature chétive. Sur un ton de ferme douceur, Louis XI lui apprend à se garder, l’engage notamment à se méfier des conspirations et trahisons des seigneurs de haut lignage. Sa

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