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Le Dernier mot d'un roi

Le Dernier mot d'un roi

Titel: Le Dernier mot d'un roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Moustiers
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vieillard ne joue pas la comédie et qu’il a vraiment des trous de mémoire.
    — Et puis, reprend Louis XI, j’ai la fâcheuse habitude de penser que les gens qui s’intéressent à ma santé ont une idée derrière la tête.
    Il étouffe un petit rire et ajoute avec sérieux :
    — Anne, ma fille, vous tient en grande estime. S’il n’avait tenu qu’à moi, c’est elle que vous auriez épousée. Mais un roi ne fait pas toujours ce qu’il veut, vous le savez bien.
    Il interroge du regard Louis d’Orléans qui, mal à l’aise, répond :
    — Sans doute, Sire.
    — Vous n’êtes pas heureux avec Jeanne, n’est-ce pas ?
    La question posée à mi-voix ne surprend pas le duc, conscient, maintenant, d’être mis à l’épreuve et victime d’un jeu : « Il se moque de moi, mais dans quel but ? Que cherche-t-il ? Va-t-il me proposer une affaire ? » Aussi réplique-t-il avec sang-froid sur un ton convenu :
    — Le bonheur personnel n’est pas le souci d’un prince.
    Louis XI réalise que le « petit duc » est moins innocent qu’il ne paraît, moins inoffensif en tout cas. Il rétorque sur le même ton convenu :
    — C’est une noble pensée, tout à fait digne d’un roi.
    Il grimace et cache son visage dans les mains. Depuis hier, une crise de goutte alliée à des migraines lui fait endurer le martyre. Il parvient à dominer sa douleur, libère son visage et poursuit sa méthode qui consiste à changer sans cesse d’attitude et de ton. À présent, le voilà grave, presque sombre :
    — Je suis inquiet, mon cousin. Le dauphin n’a pas quatorze ans. Si je meurs cette année, il faudra nommer un régent.
    Pris au dépourvu, Louis d’Orléans se raidit sur sa chaise, les genoux serrés. Il y a longtemps, huit mois peut-être, qu’il ne songe plus à la régence. Il a pris le parti raisonnable de s’en désintéresser, persuadé, à juste titre, qu’il ne saurait assumer de telles responsabilités et tomberait fatalement sous la coupe de conseillers déloyaux. Seulement, les propos du roi le troublent, caressent son orgueil, lui inspirent un espoir insensé que sa sagesse réprouve aussitôt : « Non, tout cela ne signifie rien. Anne sera régente. » Il en oublie la politesse, omet de se récrier que la mort d’un souverain aussi vaillant lui paraît inconcevable, dépourvue de sens. Sans réfléchir, il répond d’une traite :
    — Il conviendrait, en ce cas, de suivre la coutume.
    Louis XI cache sous sa robe sa main droite qui commence à trembler. Avec la gauche il accroche Tison par le collier et l’attire contre ses jambes pour lui parler :
    — La coutume, tu entends ça, mon chien ?
    Louis d’Orléans ne remarque pas que Sauveterre se tient derrière lui, après une entrée silencieuse dans la salle. Il ne remarque pas, non plus, le signe discret que le roi échange avec son valet qui se retire immédiatement. Louis XI sourit au duc pour la troisième fois.
    — La coutume, pourquoi pas ? murmure-t-il avant d’ajouter d’une voix bien articulée : En cas de minorité, la régence revient soit à la reine mère, soit au plus proche parent du défunt. La reine mère ne peut être retenue. Elle n’entend rien aux affaires. Reste le plus proche parent du défunt. C’est une question que nous allons régler sur-le-champ.
    À ces mots, la porte située au fond de la pièce, à gauche de l’alcôve, s’ouvre, poussée par Pierre et Anne de Beaujeu qui entrent, suivis par Pierre de Rohan, Ymbert de Batarnay, Jean Bourré et Pierre Parent. Louis d’Orléans se lève. Anne et Pierre rejoignent le roi afin de l’aider à quitter le lit et à marcher. Il les écarte d’un geste impérieux et gagne en chancelant le siège qui l’attend. Sans trop d’efforts, il parvient à s’attabler. Anne s’installe à sa gauche, Pierre à sa droite. Ymbert de Batarnay, Jean Bourré, Pierre de Rohan et Pierre Parent prennent place à leur tour. Cela fait sept regards fixés sur Louis d’Orléans qui demeure debout. Personne ne l’invite à s’asseoir sur la chaise qui reste à l’écart. Louis XI rompt le silence :
    — Nous, roi de France par la grâce de Dieu, vous prions, monsieur le Duc d’Orléans, de renoncer à exercer la régence du royaume pendant la minorité de notre fils Charles, le dauphin, et vous demandons d’en faire, à l’instant, le

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