Le dernier vol du faucon
Beauchamp, c'est précisément ce que voudrait Petraja: nous diviser. Si le roi n'est réellement plus de ce monde, comme le pense Fretteville, alors seule l'armée française peut éviter la mort de Phaulkon. Mais si Petraja voit que nous ne soutenons pas son Premier ministre, il ne se gênera pas pour l'éliminer afin de poursuivre librement son plan. Phaulkon est comte de France et aussi notre allié, le serviteur d'un roi que nous avons juré de défendre. En ce qui me concerne, je n'aimerais pas avoir sa mort sur la conscience.
- Qui sait s'il n'a pas déjà été exécuté? intervint Fretteville sombrement.
- Je ne crois pas que Petraja oserait, du moins pas à ce stade, répliqua Beauchamp. En premier lieu, je pense que le roi n'est pas mort. Si c'était le cas, Petraja n'aurait-il pas été le premier à l'annoncer? Non, Général, je suis persuadé que nous perdrions toute crédibilité en ne soutenant pas fermement le Barcalon.
- Si Petraja craignait nos réactions, objecta Desfarges comment a-t-il pu permettre l'agression dont ont été victimes récemment nos camarades officiers?
- Raison de plus pour que nous intervenions, souligna Beauchamp.
- Ce n'était peut-être qu'un hasard», risqua Fretteville.
Desfarges garda un instant le silence.
«Fort bien. Nous allons convenir d'un compromis et exiger que mon fils soit relâché immédiatement. Nous insisterons aussi pour connaître le lieu de détention du Barcalon et manifesterons notre intérêt pour son sort sans pour autant l'inclure directement dans nos menaces. Lieutenant, voulez-vous faire venir l'in-terprète et le scribe? Je vais dicter une lettre et l'envoyer par messager à Louvo. »
Nellie s'efforça de dissimuler sa déception. «M'au-toriseriez-vous à accompagner votre messager, Général ? J'ai hâte de retrouver mon fils. » Desfarges la foudroya du regard. « Il n'est pas question de mêler des civils à des affaires militaires. Votre nom est associé à celui du seigneur Phaulkon, madame. Je demanderai à mon messager de ramener votre fils au fort où il vous rejoindra. »
Nellie allait protester mais le général ne lui en laissa pas le temps. « Ma décision est irrévocable. »
Nellie chancela, si désespérée que Desfarges parut se radoucir. Mais, après quelques secondes d'hésitation, il s'éclaircit la gorge et tourna brusquement les talons.
32
Joao Pareira examina avec soin la porte latérale du Palais, comme il l'avait déjà fait une demi-douzaine de fois. Elle était en bois de teck, certes beaucoup moins massif que le portail principal, mais suffisamment solide. Verrouillée de l'intérieur, elle devait être probablement gardée.
Perplexe, il gratta son épaisse barbe noire. Ses hommes auraient sans doute du mal à la briser sans l'aide d'un bélier mais l'installation d'un tel dispositif attirerait trop l'attention. Depuis que Vasco le singe avait rejoint leurs rangs, ils avaient mis au point un autre stratagème. Il s'agissait de former une pyramide humaine - deux des plus vigoureux en bas, deux autres sur leurs épaules - afin que Vasco puisse tenter de franchir les murailles.
Certains hommes montraient plus de dispositions que d'autres pour cette opération; pourtant, en s'exer-çant régulièrement, ils avaient constitué une équipe capable de projeter le Portugais aussi haut que possible. Le problème, c'était qu'ils n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils trouveraient de l'autre côté. Il devait bien y avoir des marches quelque part, celles que leur maître avait empruntées pour gagner les remparts, mais à quelle distance de la porte, seul le diable le savait. Joao avait sévèrement tancé Vasco de s'être présenté avec retard. Avec l'avance reçue de Phaulkon, il était allé s'enivrer au point de tout oublier et n'avait regagné son logis que le lendemain pour y trouver le message de Joao.
Naturellement, dans une opération comme celle qu'ils préparaient, l'élément de surprise était capital. Il fallait qu'un homme parvienne à se laisser tomber de l'autre côté du mur et leur ouvre la porte avant que les gardes ne s'aperçoivent de quoi que ce soit. Mais l'endroit fourmillait de monde. Si les marches étaient trop éloignées de la porte, l'homme devrait sauter d'une hauteur de huit à neuf mètres. C'était beaucoup. Si Vasco pouvait le faire, peu d'autres en seraient capables. Il faudrait donc que ce soit lui qui leur ouvre la porte.
D'autres hommes étaient venus les
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