Le dernier vol du faucon
restants entraînèrent l'embarcation vers le milieu du fleuve.
Ils naviguaient depuis à peine dix minutes lorsqu'ils aperçurent devant eux une série de lumières perçant l'obscurité, comme surgissant de l'eau. Un pâle croissant de lune venait d'apparaître dans le ciel, mais sa lueur d'un jaune voilé était à peine suffisante pour esquisser la silhouette des grands arbres alignés sur la rive.
« Regarde là-bas, dit le capitaine en rejoignant Anek.
Je n'ai encore jamais vu ces lumières. Il doit se passer quelque chose. »
Ils s'approchèrent en ralentissant leur vitesse.
«Halte! Qui va là? cria-t-on soudain. Conduisez votre bateau à quai. Par ordre de Sa Majesté, le Seigneur de la Vie ! »
La voix était stridente et on pouvait y déceler de l'inquiétude. L'arrivée d'une si grande embarcation à cette heure de la nuit jetait manifestement le désarroi.
Ils accostèrent le long d'une jetée de fortune qui s'avançait de quelques mètres dans le fleuve. Anek aperçut des soldats et un officier qui se tenait debout, les poings sur les hanches.
«Que se passe-t-il encore? lança le capitaine avec irritation.
- Il est interdit de voyager de nuit. Ordre du roi. Vous allez devoir vous amarrer ici. Vous pourrez repartir à l'aube quand nous aurons fouillé votre bateau.
- Fouiller mon bateau? Et pourquoi donc?»
Le ton du capitaine montait.
«C'est la guerre, Capitaine, rétorqua l'officier siamois. Les farangs nous ont attaqués à Bangkok. Nous avons pour consigne d'intercepter tous les bateaux.
- Quand est-ce arrivé?
- Nous venons de l'apprendre. Cette jetée a été bâtie aujourd'hui à la hâte. Une autre est en construction un peu plus bas sur le fleuve. Vous n'irez pas loin cette nuit. »
Le capitaine plissa les yeux. «Je ne crois pas que vous réalisiez à qui appartient ce bateau. Je suis pressé.»
Il tendit à l'officier un sauf-conduit officiel. Le soldat l'examina scrupuleusement mais fit néanmoins un signe de tête négatif avec un air d'excuse.
«Malheureusement nos instructions ne prévoient aucune exception, Capitaine. C'est le général Petraja lui-même qui a promulgué cet édit à la demande du Seigneur de la Vie.
- Mais cette barque appartient à Luang Sorasak,
le fils du général Petraja, protesta le capitaine de plus en plus sombre.
- Désolé, mais ce sont nos ordres. Ils ne souffrent aucune exception. »
Le capitaine leva les yeux vers une grande construction sur la rive où l'on distinguait des soldats allant et venant en grand nombre. Perplexe, il regarda son bateau. Devinant ses intentions, l'officier mit aussitôt la main sur la garde de son épée. Le capitaine hésita encore un instant puis donna l'ordre à ses hommes d'amarrer la barque. Affronter les soldats du général Petraja serait considéré comme une trahison, quels que soient ses motifs.
Anek dissimula son désappointement tandis que la barque accostait à la jetée. L'équipage semblait ravi de pouvoir reprendre son sommeil. Le capitaine tendit un coussin à Anek qui s'étendit auprès des rameurs. Puisqu'il ne pouvait rien faire d'autre, autant profiter d'une bonne nuit.
Ils s'éveillèrent à la lueur du jour mais perdirent beaucoup de temps à attendre que le bateau soit minutieusement fouillé par les soldats. Anek s'impatientait, torturé à l'idée des souffrances de Sunida. Un nouveau délai leur fut imposé quand on s'aperçut que le seul officier pouvant autoriser leur départ était allé jusqu'au village.
Le capitaine se plaignit amèrement à l'officier de garde.
«Nous sommes pressés. Je vous assure que nous n'avons rien à bord... Laissez-nous partir!
- Je vous crois, Capitaine, mais nous devons néanmoins consigner par écrit votre passage, en mentionnant votre nom et votre destination. Ce sera Nai Oon en personne qui signera le document. C'est la guerre, voyez-vous. Mais il sera bientôt de retour», ajouta l'homme avec sympathie.
Lorsqu'ils purent enfin lever l'ancre, le soleil était déjà haut dans le ciel et Anek envisagea de négliger le premier village.
«Tous les villages se trouvent-ils sur la rive? demanda-t-il au capitaine.
- La plupart. 11 y en a quelques-uns à l'intérieur des terres, mais ils sont peu nombreux.
- Et la route d Ayuthia traverse tous les villages riverains?
- Oui, elle suit le fleuve. Les petits villages de l'intérieur ne sont desservis que par des sentiers. »
Le capitaine s'impatienta. « Eh bien, décide-toi ! Où
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