Le dernier vol du faucon
suis jeune et fort.»
Le moine hésita. «C'est trop risqué. Venez d'abord avec moi. »
Mais Anek courait déjà dans le sentier. « Il pourrait s'échapper entre-temps ! » cria-t-il sans se retourner.
Il ne cessa de courir jusqu 'au village et ne s'arrêta qu'à proximité du temple pour reprendre haleine. Il entendait un murmure de voix. Son maître n'était donc pas seul. Il pénétra dans le petit temple en se demandant si les autres moines soupçonnaient eux aussi Phaulkon, mais il n'avait pas le temps de s'en assurer.
Il se prosterna aux pieds de son maître et parla avant que celui-ci n'ait pu ouvrir la bouche.
«Saint homme. Vous êtes réputé pour vos guéri-sons. Je vous cherche depuis deux jours. Je vous en prie, venez... ma petite fille est malade... je n'ai qu'elle. Faites vite ! »
Phaulkon maîtrisa vite sa surprise et, comprenant le danger, se leva aussitôt.
«Je vous prie de m'excuser, dit-il à ses compagnons. Dites à votre saint frère que je vais revenir. Soyez remerciés de toutes vos bontés. »
Ils le regardèrent, ahuris. Dans sa précipitation, Phaulkon avait parlé siamois couramment...
Mais sans attendre leur réaction, il sortit rapidement, suivant Anek qui l'entraînait en courant. On était à l'heure la plus chaude du jour et il n'y avait personne aux alentours.
«Que se passe-t-il? cria Phaulkon quand ils furent assez loin. Je ne vais pas courir longtemps comme ça pieds nus !
- Il faut gagner le fleuve, saint homme.»
Phaulkon retint un sourire. Il commençait à s'habituer à cette appellation.
Au croisement des chemins, Anek hésita. Traverser le village était risqué car il y aurait sûrement des gens devant leurs maisons, mais il ne savait pas comment rejoindre le bateau autrement.
«Vas-tu me dire enfin ce qui se passe? demanda Phaulkon, comme ils s'arrêtaient tous deux haletants.
- Puissant Seigneur, tout le monde vous recherche. Nous devons rejoindre mon bateau qui est amarré tout près d'ici. »
Trop fatigués pour reprendre leur course, ils avancèrent d'un pas plus calme en direction du village qu'ils apercevaient devant eux. A l'entrée, un autre chemin, plus petit, conduisait directement au fleuve. Comme ils approchaient de cette intersection, ils virent un groupe d'hommes, une douzaine environ, sortir du village armés de longs bâtons. Anek qui marchait devant fut le premier à les apercevoir. Il fit un pas en arrière et saisit Phaulkon par le bras.
« Puissant Seigneur, pardonnez-moi. Ces hommes là-bas sont venus pour vous arrêter. Il nous faut atteindre ce chemin avant eux, mais si nous nous mettons à courir maintenant, ils vont nous soupçonner. Dès que nous arriverons au croisement, prenez à droite et courez jusqu'au fleuve. »
Les hommes les avaient déjà aperçus. Anek leur fit signe de la main.
«Ne vous inquiétez pas, cria-t-il, je le tiens... Il n'a pas fait de difficulté... Il dit que c'est une erreur et qu'il va s'expliquer.»
Les hommes virent qu'il agrippait fermement Phaulkon par le bras mais ils accélérèrent néanmoins le pas et atteignirent le croisement avant eux.
« Il va nous falloir couper à travers champs, murmura Anek. Allons-y! Maintenant!»
Ils obliquèrent brusquement sur leur droite, traversèrent des buissons et filèrent vers le fleuve.
Surpris, les hommes mirent un certain temps avant de s'élancer à leur poursuite. L'un d 'eux, plus jeune et plus rapide, prit vite de l'avance sur le groupe, talonnant les fugitifs. Avec son pied encore douloureux, Phaulkon ne parvenait pas à tenir la distance alors que le quai était maintenant en vue.
«À l'aide!» cria Anek, espérant que l'équipage du bateau était à son poste.
Il vit surgir une tête coiffée de rouge, puis une autre. Dans un dernier élan, Phaulkon tenta d'atteindre la barque mais le jeune villageois l'avait déjà rattrapé. Un pan de sa robe lui resta dans la main au moment où il plongea dans l'eau pour se débarrasser de lui. Des hommes de Sorasak sautèrent sur le quai et interceptèrent le jeune garçon qui se défendait comme un diable.
Aidé par Anek, Phaulkon sortit de l'eau et grimpa sur le pont du bateau où il s'affala, pantelant. Sur le quai, les douze villageois en colère tentaient d'atteindre la barque.
Anek se rua vers le capitaine.
«Vite cria-t-il, nous avons celui que votre maître cherche.
- Je sais, mais j'ai encore deux hommes à terre.»
Voyant que les villageois allaient parvenir à leurs
fins, il se
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