Le dernier vol du faucon
Et, que disait le message ?
- Je devais lui dire que le maître était parti pour Bangkok. »
Sorasak leva la main et allait le frapper quand Anek ajouta précipitamment. « Par la route de terre, monsieur. »
Le bras de Sorasak resta en l'air. Il vit que l'homme semblait honteux de son aveu, comme s'il venait de trahir son maître. Il devait dire la vérité.
« Bien. Alors, voilà ce que tu vas faire. Tu vas prendre mon bateau et aller le chercher séance tenante. Cela ne sera pas difficile car mes rameurs sont les plus rapides du pays. Tu t'arrêteras à tous les villages de la rive jusqu'à ce que tu l'aies trouvé. Tu lui diras que Sunida l'attend ici et tu ajouteras qu'elle est entre les mains expertes de Luang Sorasak. N'oublie pas ce nom : Luang Sorasak. »
Il se pencha vers sa prisonnière qui écarquilla les veux de terreur puis il la pinça jusqu'à ce qu'elle se mette à crier de douleur. « As-tu un message pour ton maître, Sunida?
- Dites-lui de revenir. Vite, gémit-elle.
- Tu as entendu, Anek ? Maintenant, va. Prends ce papier pour le capitaine de ma barque. Il te permettra de circuler librement sur le fleuve. Et n'oublie pas, la vie de Sunida dépend de ta coopération. »
Anek jeta un dernier regard désespéré à la jeune femme. « Courage, madame. Je vais me hâter de trouver le maître.» Il disparut rapidement.
Dès qu'il fut hors de portée de voix, Sorasak se retourna vers la pauvre fille qui, à ses pieds, tremblait de tous ses membres.
«Tu vas commencer par me faire plaisir. Et avec enthousiasme si tu veux sauver ta peau. »
Il ricana en s'imaginant qu'il violait la vraie Sunida sous les yeux de Vichaiyen. L'idée l'excitait. Il avait eu raison de laisser Sunida dans une autre pièce, enchaînée et gardée par deux de ses hommes. Elle n'aurait jamais accepté de donner les bonnes réponses qu'il avait dictées à la petite servante.
Tenté d'aller lui-même à la poursuite de Vichaiyen, il l'aurait probablement trouvé dans un village riverain et aurait été alors obligé de le remettre aux autorités comme il avait promis à son père de le faire - ce qui aurait gâché tout son plaisir. Tandis que s'il pouvait le ramener dans cette maison... qui saurait jamais ce qui s'y passerait?
40
Il était déjà tard quand Anek longea la jetée privée de son maître et présenta la lettre de Sorasak au capitaine de son bateau. La lune n'était pas encore levée et seules quelques lucioles en suspension dans l'air jetaient des lueurs sporadiques dans la pénombre. L'équipage était déjà profondément endormi après sa course épuisante pour venir d'Ayuthia quelques heures auparavant. La sentinelle de garde dut réveiller son supérieur qui se chargea lui-même de tirer le capitaine de son sommeil.
L'homme, de forte stature, se tenait maintenant devant Anek et lui jetait des regards soupçonneux tout en lisant la lettre.
«Très bien, dit-il enfin, j'ai ordre de t'aider à retrouver un farang en fuite. Mais tu ne t'imagines quand même pas y parvenir cette nuit ?
- Nous n'avons pas de temps à perdre, Capitaine. Connaissez-vous bien cette section du fleuve ? »
D'un vigoureux coup du plat de la main, le capitaine écrasa un moustique sur son épaule et considéra le jeune homme avec exaspération. Qui était ce blanc-bec, un domestique par-dessus le marché, qui se permettait de lui dire ce qu'il avait à faire?
«Je connais chaque pouce du fleuve, mon garçon. Toute ma vie j'y ai fait la navette. Où veux-tu aller?
- Dans la direction d Ayuthia en m'arrêtant à chaque gros village que nous rencontrerons. »
Le capitaine haussa les épaules. «A cette heure? Tu ne risques pas d'y trouver grand monde.
- Je sais, mais je dois y aller. »
Anek revoyait en pensée le visage suppliant de Sunida. Si nécessaire, il frapperait à chaque porte pour retrouver son maître.
Le capitaine le regarda d'un air maussade. «Le prochain village est à environ une demi-heure d'ici. Es-tu certain de ne pas vouloir attendre le matin ?
- Nous devons partir immédiatement. »
Après un nouveau coup d'œil à la lettre, le capitaine fit lever dix de ses hommes et leur ordonna de descendre à terre.
«Le maître veut que vous restiez sur le quai pendant mon absence. Vous feriez bien d'organiser des tours de garde. »
Encore alourdis de sommeil, les hommes quittèrent le bateau en se frottant les yeux tandis qu'Anek montait à bord. Quelques minutes plus tard, les cinquante rameurs
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