Le dernier vol du faucon
différait peu du siamois.
«Je viens du Laos», répondit-il en s'efforçant d'utiliser les mêmes mots et d'imiter son intonation.
Le moine parut surpris. «Vous êtes donc un farang?
- En effet.
- Où habitez-vous au Laos ?
- À Luang Prabang.
- Luang Prabang? Mais c'est de là que je viens, moi aussi. À quel temple appartenez-vous ?
- Au temple du Bouddha doré», hasarda Phaulkon.
Le moine haussa les sourcils. «Je ne le connais
pas. Est-il nouveau?
- Il l'est.
- Et qu'est-ce qui vous amène ici ? » insista le moine en le scrutant toujours aussi intensément.
«Je visite le pays.» Phaulkon sourit et ajouta: « Comme vous. »
Le moine ne lui rendit pas son sourire. Il semblait préoccupé. Les autres écoutaient en silence et en s'éventant. Un chien galeux s'arrêta un instant pour les regarder et poursuivit son chemin. Phaulkon commençait à devenir nerveux. Il n'aimait pas la façon dont le moine le dévisageait et devinait que l'homme soupçonnait quelque chose. C'était peut-être la première fois qu'il voyait un moine farang venant du Laos. Le cas était rare, mais pas impossible. Il pouvait être le fils d'un missionnaire ou d'un marchand de passage.
La situation commençait à lui peser et il se dit qu'il lui fallait trouver une excuse pour partir. Mais quelle raison invoquer? Personne ne semblait avoir envie de bouger par cette chaleur.
Phra Panya insistait. «Comment se fait-il qu'un farang vienne du Laos ?
- Mon père était marchand, là-bas.
- Ah...» Le moine sourit pour la première fois. « Pardonnez-moi de poser tant de questions. Mais c'est tellement extraordinaire pour moi de rencontrer quelqu'un de mon pays. Il faut que vous restiez ici cette nuit. J'insiste. Nous avons tant de choses à nous dire. »
Phaulkon chercha hâtivement une excuse. «J'aimerais pouvoir le faire. Mais je dois partir. »
Sans faire attention, il s'était exprimé en siamois et vit le moine sursauter.
«Vous voyez, j'essaie d'apprendre l'accent d'ici», ajouta-t-il vivement en revenant au laotien.
L'explication parut suffire à son interlocuteur qui annonça. «J'ai une surprise pour vous, attendez-moi un instant... »
Il se tourna vers les autres moines. « Mes frères, je vous demande de veiller sur notre honoré visiteur jusqu'à mon retour. J'ai quelque chose d'important à lui montrer. Je serai ici dans une demi-heure. »
Avant que Phaulkon ait pu soulever la moindre objection, il se leva et disparut.
Anek attendait avec impatience à l'ombre d'un grand arbre à pluie à l'entrée du village de Bahn Mae Sing. Qu'est-ce qui pouvait bien retenir son maître aussi longtemps? Le dernier village où ils s'étaient arrêtés n'était qu'à une heure de marche et, selon ce que lui avaient raconté les habitants, il y avait maintenant près de deux heures qu'on avait vu un moine farang reprendre la route.
Les nouvelles apprises à Bahn Mae Sing le préoccupaient encore plus. Une navette du Palais venait d'y faire halte pour annoncer que la guerre avait éclaté. Tous les farangs devaient être conduits immédiatement au kamnan, le chef du village, qui les remettrait au poste de contrôle le plus proche établi sur le fleuve.
Anek avait également appris l'existence d'un autre village appelé Bahn Sukon, à une demi-lieue de là. Mais il n'était pas directement sur la route d'Ayuthia. Son maître n'aurait eu aucune raison de faire ce détour. Toutefois, pour en être tout à fait sûr, Anek s'était posté à l'intersection des deux chemins: la route venant de Louvo et le sentier desservant Sukon.
Il était en train de se demander combien de temps il lui faudrait encore patienter, quand il vit surgir en courant du sentier poussiéreux de Bahn Sukon un homme qui se révéla être un moine. Il n'avait encore jamais vu un saint homme courir de la sorte. Quand il s'arrêta devant Anek, il dut attendre de reprendre son souffle avant de réussir à parler.
«Vite... il nous faut... tous les hommes valides... ! Suivez-moi chez le kamnan...»
Anek le retint par le bras. «Pourquoi? Que se passe-t-il, saint homme?
- Un farang... chez nous... qui prétend être... un moine. Vite ! Il faut alerter le kamnan ! »
Le cœur d'Anek se crispa. «Je viens avec vous, saint homme. Mais où est ce farang?
- À Bahn Sukon... au temple... Il faut l'arrêter... Il est très grand... sûrement dangereux...
- Ne vous inquiétez pas, dit Anek, je vais y aller et le retenir jusqu'à votre retour. Je
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