Le dernier vol du faucon
sur elle. Elle lui jeta un regard douloureux. «J'ai perdu mon bébé, n'est-ce pas?»
D'une voix étranglée, Sunida répondit: «Oui, Honorable Dame. Elle a été enterrée selon vos coutumes.
- Elle ? » Les yeux de Maria se remplirent de larmes. Après un long silence, elle murmura : « Pardonnez-moi. Je vous avais mal jugée.
- Il n'y a rien à pardonner, Honorable Dame. Mais il faut de ce pas chercher un médecin. Permettez-moi de m acquitter de cette tâche.»
Maria la retint de la main. «Trop tard, souffla-t-elle d'une voix rauque. Je vais mourir, je le sais. »
Elle leva les yeux vers Sunida. «J'ai perdu mon enfant mais il ne faut pas que vous perdiez le vôtre. Votre fille se trouve à mon orphelinat d Ayuthia. Allez la chercher... »
Parler 1 épuisait et elle s'arrêta, cherchant son souffle.
«Mon mari court un grave danger. Je l'ai trahi. J'étais venue ici pour lui dire d'aller voir le Seigneur de la Vie dans sa chambre. Mais... c'est Petraja qui l'attend dans le lit du roi. »
Sunida ouvrit de grands yeux. Dans le lit du roi? Quel sacrilège...
«Mais où est le Seigneur de la Vie? demanda-t-elle anxieusement.
- On l'a installé ailleurs. Je ne sais où. J'ai entendu dire que sa santé s'était bien améliorée.»
Sunida lui fit un sourire. «Vous voyez, Honorable Dame, le Seigneur Bouddha veille sur nous. Vous serez sauvée également. Je vais aller chercher un médecin. »
Maria secoua la tête. «Ce n'est pas un médecin que je veux, c'est un prêtre.»
Ivatt proposa d'aller jusqu'au séminaire des jésuites, mais Sunida l'en empêcha.
« Seigneur Thomas, il est préférable que je m'y rende moi-même. En tant que farang, vous risquez d'être arrêté. D'ailleurs, je dois voir le Seigneur de la Vie, moi aussi.»
Ivatt admit à contrecœur qu'elle avait raison. Avant de partir, Sunida s'adressa à Maria : « Honorable Dame, je vous prie d'expliquer à la mem tout ce que vous m'avez dit. Je ne parle pas sa langue. »
Maria acquiesça et tourna la tête vers Nellie au moment où Sunida sortait. «J'ai trahi Constant. Empêchez-le d'aller au Palais. C'est un piège. Petraja a pris la place du roi dans sa chambre. » Elle se mit à pleurer. «J'ai trahi mon mari...»
Nellie lui prit la main. «J'ai voulu le trahir, moi aussi. J'ai même songé à le tuer.
- Mais votre fils ? balbutia Maria à travers ses larmes. Pourquoi Constant ne m'en a-t-il jamais parlé?
- Parce qu'il ignorait son existence, je vous le jure. Constant est un homme honnête. »
Le visage de Maria se crispa de douleur. «Je dois me confesser. J'ai voulu perdre mon mari et c'est un péché mortel. »
Des coups s'élevèrent soudain dans la pièce, comme frappés contre l'une des parois de la cachette. Tous se figèrent et Ivatt se leva pour voir de quoi il s'agissait. Après avoir prêté l'oreille, il comprit qu'ils venaient d'un panneau derrière une tapisserie dissimulant l'entrée du tunnel. Il la souleva et tira vigoureusement sur le panneau qui céda tout à coup, livrant passage à Phaulkon.
Le visage rouge, ruisselant de sueur, il rampa dans la pièce et regarda autour de lui. Sorasak gisait en tas dans un coin, un gigantesque Indien à côté de lui. Mark était accroupi à deux pas de là, les poings en sang. Quant à Nellie, elle s'occupait de Maria qui, pâle et tremblante, gisait sur le lit les yeux fermés.
Il se traîna jusqu'à elle, les jambes encore raides d'avoir rampé dans le tunnel, et s'agenouilla à son côté en lui prenant la main.
«Que s'est-il passé?» demanda-t-il à Nellie.
Au son de sa voix, Maria ouvrit les yeux. Ce fut elle qui lui répondit. «Pardonne-moi, Constant», mur-mura-t-elle dans un souffle.
Elle mourut en lui tenant la main.
43
Prosternée au pied de la couche royale, Sunida attendait que le Seigneur de la Vie daigne s'adresser à elle. Son cœur battait furieusement, comme chaque fois qu'elle se trouvait en présence du roi, la seule personne qui pouvait encore sauver son bien-aimé Phaulkon. Elle n'avait pu trouver de prêtre, tous ayant été emprisonnés sur les ordres de Petraja. Quant à envoyer un médecin, il ne fallait pas y penser car il aurait fallu alors dévoiler l'endroit de la cachette, ce qui les aurait tous exposés au danger.
Elle sentait que la situation avait évolué. Vichai, chef des gardes du Palais, un vieil ami qui l'avait aidée à y entrer, lui avait dit que la santé du Seigneur de la Vie s'était nettement améliorée et que,
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