Le discours d’un roi
le vendredi 23 avril, à l’inauguration d’un monument en l’honneur de son père, où il prononça son premier discours royal. Logue, qui assista à la cérémonie, constata avec une agréable surprise que bon nombre de personnes exprimaient ouvertement leur stupéfaction d’entendre le monarque s’exprimer si bien. Il fut particulièrement satisfait en observant un des spectateurs glisser à son épouse : « L’archevêque n’a pas dit qu’il avait un défaut d’élocution, chérie ? » Sa femme répliqua, ce qui ne manqua pas d’amuser Logue : « Tu ne devrais pas croire tout ce qu’on te dit, mon chéri, même si c’est l’archevêque. » Le lundi suivant, le roi descendit à Greenwich pour l’ouverture d’une nouvelle salle. Il eut droit à un merveilleux accueil et prononça son discours presque à la perfection, même si Logue perçut qu’il avait du mal avec le mot falling (« tomber »). Deux jours plus tard, à Buckingham Palace, il y eut une autre prise de parole en public, cette fois en remerciement d’un cadeau reçu du Népal. Ce fut, se rappela Logue, « un mauvais discours », qui comportait quelques mots particulièrement difficiles.
Néanmoins, le défi essentiel restait à venir : le 4 mai, à 17 h 45, Logue rencontra sir John Reith afin de s’assurer que le micro était bien installé. Il avait été disposé sur un bureau de façon à permettre au roi de parler debout, ce qu’il préférait. Le monarque l’avait testé en prononçant quelques mots du discours qui serait diffusé. Il y avait eu aussi un filage à l’abbaye, où il avait constaté avec amusement que chacun semblait savoir ce qu’il faisait, sauf les évêques.
Quelques instants plus tard, les deux princesses arrivèrent en disant : « Papa, papa, on t’entend ! » Elles écoutaient dans une pièce voisine, où un haut-parleur avait été installé pour retransmettre les voix des deux hommes. Après être restées quelques minutes, les petites filles souhaitèrent timidement « bonne nuit » à Logue, lui serrèrent la main et partirent se coucher.
Le roi continua de s’entraîner au cours des jours suivants, mais avec des résultats inégaux. Le 6, après une séance peu concluante, il frisa l’hystérie ; la reine, qui l’écoutait, réussit à le calmer. « C’est un brave type, écrivit Logue en parlant du roi, il a simplement besoin qu’on prenne soin de lui. » Le lendemain, avec l’assistance de Reith et Wood (l’ingénieur du son de la BBC), il enregistra une version du discours. Le roi, écoeuré, constata que son débit était trop lent. Ils essayèrent encore, mais il se mit à tousser au milieu du texte, alors ils firent une nouvelle tentative. « Plutôt satisfait, il est parti déjeuner plein d’entrain, avec son sourire habituel, écrivit Logue. Il s’exprime toujours bien devant la reine. »
Le 7 mai, Reith, qui s’intéressait de près au discours, signala à Logue que tous les disques de gramophone enregistrés ce matin-là se trouvaient dans une boîte scellée, laissée à un certain M. Williams au palais. Il suggéra d’effectuer un disque composite de toutes ces versions, « qui donnerait un discours plus ou moins parfait, en prenant des bouts de la première et de la troisième tentative, afin qu’il n’y ait plus rien à redire ». Reith pensait que cette démarche serait non seulement utile dans le cas où il y aurait un problème le 12, mais que l’enregistrement pourrait aussi être utilisé pour des retransmissions prévues dans l’Empire toute la nuit et le lendemain, et être aussi transmis à HMV I , pour la vente d’un nouveau gramophone.
Dans sa réponse, Logue insista sur le fait que la décision finale revenait à Hardinge, mais ajouta : « Il est essentiel d’avoir un bon enregistrement sous la main, en cas d’accident, de perte de voix, etc., et avec le remaniement que vous suggérez, ce troisième disque devrait donner lieu à une excellente version. »
Si ces enregistrements représentaient une bonne police d’assurance en quelque sorte, le roi fut plus encouragé encore par les comptes rendus élogieux dans les journaux, le lendemain d’un discours prononcé à Westminster Hall. C’était, en convint Logue, « heureux qu’il n’ait pas eu à s’exprimer dans un micro. Ses problèmes viennent en partie de son horreur de cet objet, certainement depuis son retour d’Afrique du Sud, lorsqu’il a fait son
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