Le discours d’un roi
l’été 1938, certains Allemands des Sudètes commencèrent à réclamer l’autonomie ou même l’union avec l’Allemagne, Hitler s’en servit comme d’un prétexte pour agir.
La Tchécoslovaquie avait beau posséder une armée bien entraînée, son gouvernement savait que celle-ci ne serait pas de taille face à la puissante machine de guerre allemande. Les Tchèques avaient besoin du soutien de l’Angleterre et de la France, mais Londres et Paris s’apprêtaient à les abandonner à leur sort. En septembre, Chamberlain rencontra Hitler dans son repère de Berchtesgaden, où ils s’entendirent pour que l’Allemagne annexe les Sudètes, du moment qu’une majorité de ses habitants votaient en faveur d’un plébiscite. Ce qui restait de la Tchécoslovaquie recevrait alors des garanties internationales de son indépendance. Mais quand Chamberlain retrouva le dirigeant nazi à Bad Godesberg, près de Bonn, le 22 septembre, Hitler balaya leur précédent accord.
Chamberlain était encore en Allemagne lorsque Logue retrouva le roi le lendemain. Ils devaient se voir pour un discours que devait faire le souverain à l’occasion du lancement du Queen Elizabeth , le 27 septembre. George VI, naturellement préoccupé par la situation internationale qui empirait, demanda à Logue ce que pensaient les gens ordinaires de l’éventualité d’une guerre. Comme tant d’hommes de sa génération, il avait été si horrifié par le massacre de la Première Guerre mondiale qu’il semblait préférer n’importe quoi – même une conciliation avec un chef nazi – à un nouveau conflit total. « Vous seriez étonné, Logue, de voir combien de personnes souhaiteraient plonger ce pays dans la guerre, sans en peser les conséquences », lui dit-il.
Même si le roi avait pensé autrement, il n’aurait pas pu y faire grand-chose : l’influence du monarque avait considérablement décliné au cours des trente dernières années. Pendant la première décennie du siècle, son grand-père Édouard VII avait activement participé à la politique étrangère, aidant à ouvrir la voie à l’Entente cordiale avec la France en 1904. À l’inverse, George VI n’aurait guère l’occasion d’influer sur la politique menée par Chamberlain et ses ministres.
Ainsi, au petit matin du 30 septembre, Chamberlain et son homologue français, Édouard Daladier, signèrent avec Hitler et Mussolini ce qui serait connu comme les accords de Munich, permettant à l’Allemagne d’annexer les Sudètes. De retour à Londres, face à des foules jubilantes, Chamberlain agita un exemplaire des Accords à l’aérodrome de Heston, à l’ouest de Londres, en affirmant sa conviction selon laquelle il s’agissait de « la paix pour notre temps ». Nombreux furent ceux qui le crurent.
Mais Munich n’empêcha pas la guerre, qui ne fut que différée. Au cours des mois qui suivirent, Logue continua de voir le roi et devint un fréquent visiteur de Buckingham Palace ; le souverain ne pouvait plus se rendre à Harley Street, comme il l’avait fait quand il était duc d’York.
Le premier défi du roi fut le discours qu’il devait prononcer lors de la cérémonie d’ouverture du Parlement, le 8 novembre 1938. Il se préparait aussi à faire un voyage important : un séjour de plus d’un mois au Canada, censé débuter début mai 1939. Ce serait le premier effectué par un monarque régnant ; il revêtirait peut-être même davantage d’importance que son séjour en Australie et en Nouvelle-Zélande qui avait marqué le début de son association avec Logue, plus d’une décennie plus tôt. Dans son discours, il comptait confirmer son acceptation d’une invitation lancée par le président Franklin D. Roosevelt : en effet, celui-ci lui proposait d’effectuer une brève visite personnelle de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis. Il ne s’agissait pas uniquement de raffermir les liens de la Grande-Bretagne avec les deux puissances nord-américaines, mais aussi de consolider les sympathies face à un conflit imminent avec l’Allemagne nazie.
On avait demandé à Logue de se rendre au palais à 18 heures, le 3 novembre, afin de réviser le discours avec le roi. Il arriva quinze minutes en avance et passa voir Alexander Hardinge, qui lui montra le texte. En le lisant, l’orthophoniste fut ravi de constater que le roi allait accepter l’invitation de Roosevelt. « Je considère qu’il s’agit d’un des
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