Le Druidisme
l’arbre.
L’arbre du monde chamanique est la plupart du temps le bouleau, arbre à
feuilles caduques qui résiste le mieux au froid, que l’on trouve le plus au
nord. Dans le fameux poème du Cad Goddeu , le
héros Gwyddyon, qui transforme les Bretons en arbres, prend lui-même l’aspect
d’un bouleau. Et Gwyddyon, par bon nombre de ses traits, fait penser à un
chaman. C’est un magicien divin, capable de réveiller les forces végétales et
aussi de métamorphoser les êtres humains en animaux, quand il change Blodeuwedd
en hibou, les animaux en êtres humains, quand il redonne à Lleu Llaw Gyffes,
devenu aigle, son apparence humaine [310] . On
sait que les chamans, par leurs incantations, par leurs pratiques de l’extase,
peuvent devenir des animaux, soit en incorporant en eux-mêmes l’esprit de
l’animal, soit en se projetant sur l’animal. La transformation ne se fait
peut-être pas sur le plan réel matériel , mais
elle s’opère sur un plan réel psychologique et mystique. Les Tuatha Dé Danann,
qui sont à la fois des dieux et des druides, sont capables d’opérer de telles
métamorphoses. Et c’est sans doute ces métamorphoses qu’on retrouve dans de
nombreux textes celtiques.
Un bon exemple en est l’Histoire de Tuân mac Cairill, personnage
fort intéressant de la tradition irlandaise. Témoin des cinq grandes invasions de
l’Irlande, depuis les temps de Partholon, il a survécu en changeant de formes.
D’abord homme (plus exactement druide), il est devenu cerf, sanglier, faucon,
saumon, avant de redevenir un homme. On a parlé de réincarnation à ce propos,
mais il s’agit seulement de métamorphoses successives d’un même corps, d’un
même être, doué de pouvoirs exceptionnels. Tuân mac Cairill est l’image de
l’Homme primordial, encore capable de reconstituer, comme le dit Mircea Eliade
à propos du chaman, l’âge d’or du début de l’humanité, quand les hommes et les
animaux parlaient le même langage et ne s’entretuaient pas. Certes, les
transformations de Tuân sont symboliques, adaptées au système de civilisation
qui en est le fond, mais elles témoignent de cette prise de conscience que
l’être n’est pas isolé dans l’univers et qu’il fait partie d’un ensemble
regroupant tous les éléments et toutes les énergies [311] .
Dans la tradition irlandaise, un autre personnage du nom de Fintan, dont le nom
signifie le « vieux sacré » ( Vindo-Senos ),
et où nous retrouvons encore une fois le mot finngwynn-vindo ,
a des métamorphoses comparables, mais il s’agit sans doute d’un doublet [312] .
Quant au barde Taliesin, ou soi-disant tel, il est coutumier de ces
transformations. Le Cad Goddeu , qui lui est
attribué, en fait mention, comme certains autres de ses poèmes [313] ,
et son histoire légendaire, bien que recueillie tardivement, témoigne de
l’antiquité de cette croyance en la possibilité de métamorphoses [314] . Le
thème est même reconnaissable dans certains contes populaires, et l’on sait que
la tradition orale a gardé, plus que toute autre, cette coloration chamanique
qui lui vient du fond des âges. Un conte de Haute-Bretagne présente ainsi un
jeune héros, serviteur du diable, qui, ayant eu connaissance de quelques secrets
de son maître, opère sur les objets et sur lui-même de surprenantes
transformations [315] .
Autour du personnage de Cûchulainn, les éléments chamaniques
semblent particulièrement nombreux. Ses célèbres « contorsions » sont
du même ordre que les métamorphoses, sauf qu’on ne le voit plus sous forme
animale : en fait, il se déforme lui-même jusqu’à devenir monstrueux sous
l’effet d’une incontestable « fureur guerrière » : « Le
petit garçon leva son visage au-dessus de la terre, il porta la main sur sa
figure, il devint pourpre et prit de la tête aux pieds la forme d’un moulin » [316] .
« Il tordit son corps au milieu de sa peau ; ses pieds… passèrent
derrière lui… Tirant les nerfs du sommet de sa tête, il les amena derrière la
nuque, en sorte que chacun d’eux produisit une bosse ronde… Puis il déforma ses
traits, son visage… Sa bouche se déforma de façon monstrueuse… » [317] .
« Ses cheveux se hérissèrent au-dessus de sa tête comme des branches
d’aubépine rouge au-dessus d’un buisson… La lumière du héros surgit de sa tête
et de son front, aussi longue et large que le poing d’un guerrier… » [318] . Il
s’agit
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